A
près avoir adapté Construire un feu, une courte nouvelle de Jack London, Christophe Chabouté change de catégorie pour son nouveau projet en s’attaquant à Moby Dick ! Roman majeur de la langue anglaise, l'affrontement entre le Capitaine Achab et la baleine blanche est entré dans l'imaginaire collectif, qu'on ait lu le livre ou non. Cet imposant texte a déjà été retranscrit tant au cinéma qu'au théâtre, ainsi qu'en bande dessinée, y compris par les plus grands (Will Eisner, Paul Gillon, …).
Face à cette tâche titanesque, Chabouté possède de nombreux arguments en sa faveur. Il a déjà démontré dans Terre Neuvas ses aptitudes pour les récits marins. Sur ce plan, ce premier tome ne déçoit pas. En effet, le dessinateur offre un travail particulièrement léché, et le ressac frappe les docks moisis de Nantucket, tandis que l'air du large mord les chairs ! L'approche en noir et blanc est somptueuse et baigne les planches d'une gravité tout à fait à propos.
Par contre, le scénariste a choisi de coller au maximum aux mots d'Herman Melville. Cette volonté est honorable, mais, pour des raisons de place, impossible à maintenir tout au long de l'ouvrage. C'est bien là que le bât blesse. À force de devoir couper des scènes de moindre importantes ou laisser dans l'ombre des personnages secondaires, une partie de la profondeur de l'original passe par dessus bord. De plus, alors qu'il est passé maître dans l'art du rythme, l'auteur est obligé, à plusieurs reprises, de condenser sa narration en introduisant des passages très verbeux, afin de se ménager de l'espace pour quelques trop courts moments contemplatifs. Le résultat est néanmoins plus qu'honorable. Ismaël, Achab, Starbuck et Queequeg sont convaincants et la vie à bord du Pequod est splendidement rendue.
Il n'y a pas moins de 5 séries au minimum consacrées au Capitaine Achab et à Moby Dick. Malgré tout son talent, Chabouté nous livre une version pas très originale. On a trop vu cette histoire de folie et de vengeance envers un cachalot albinos. On la connait par coeur.
On appréciera par contre son dessin qui marque les esprits. Il arrive à donner une expression hors du commun à ses personnages. Il a également une excellente maîtrise du noir et blanc. Je le dis sans concession : c'est sans doute le meilleur dessinateur du moment au niveau de ce travail graphique.
Bref, cette bd n'apportera rien au roman original. Cependant, Chabouté reste toujours à la hauteur.
Belle adaptation d’Herman Melville, fidèle et parfaitement respectueuse, dans l’esprit comme dans les mots.
Ayant lu le roman à l’adolescence, j’en avais gardé un souvenir vibrant que Chabouté a su raviver par un travail graphique admirable. On y retrouve la rudesse, l’exaltation et la folie qui caractérise « Moby Dick ».
Le noir et blanc très contrasté convient idéalement aux multiples vues du Pequod, le navire du capitaine Achab, sur lequel se déroule le récit. Coque, voiles, cordages, chaloupes… Chaque élément, précis et détaillé, est sublimé par l’intensité des aplats noirs.
Achab lui-même est la grande réussite de l’album : yeux névrotiques, visage élimé, balafré, fermé par un rictus glaçant. Il est le charisme et l’effroi personnifiés.
Après – et c’est une constante, hélas, chez Chabouté – les autres personnages n’ont la plupart du temps, qu’une sempiternelle expression de tristesse. Du coup, l’ensemble est un peu morose et manque de dynamisme et de profondeur. Forcément, ça limite aussi l’immersion dans l’histoire et l’empathie que l’on pourrait avoir pour eux. A la longue, même si on peut le voir comme une signature de l’artiste, je trouve ça lassant.