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élix Baudoin – le grand-père de l'auteur – a vécu une existence digne d'un roman d'aventure. Embarqué à douze ans comme mousse sur un voilier, il sillonne toutes les mers du Globe. Suite à un naufrage, il se retrouve sans le sous à San Francisco et devient, un court instant, chercheur d'or. Après avoir croisé Buffalo Bill dans les grandes plaines de l'Ouest, il débarque à New-York où il travaille à la construction de gratte-ciel. Deux engagements dans l'US Navy plus tard, il retourne sur Nice pour y finir sa vie paisiblement à plus de quatre-vingt-seize ans.
Après lui avoir consacré un « Patte de Mouche », Made in US, Baudoin revient sur la vie extraordinaire de son aïeul dans Les enfants de Sitting Bull. En plus de narrer avec beaucoup d'attentions et de poésie les pérégrinations de celui-ci, le scénariste s'appuie sur l'épisode américain de cette épopée pour partager sa propre expérience au pays des « Indiens ». L'ouvrage se partage en deux parties : d'un côté Félix le voyageur au destin « romantique », de l'autre, la dure réalité du sort réservé aux Premières Nations amérindiennes. Malencontreusement, la juxtaposition de ces lignes narratives se révèle être décevante. En effet, la première écrase littéralement la seconde. Pour son papy, Baudoin ne se limite pas à raconter, il enquête auprès de ses parents (tantes, cousins, etc.), interprète et imagine certains détails (Félix a-t-il vraiment assisté à la reddition de Sitting Bull ?). Face à ce panache, les affres endurés par les autochtones et l'impasse sociale dans laquelle les tribus se retrouvent aujourd'hui sont décrites très sèchement, sans trop de fioriture. L'opposition voulue entre l'image chimérique de la conquête de l'Ouest et les faits est parfaitement mise en exergue, mais scinde l'album de manière trop disparate.
Graphiquement, le dessinateur régale les lecteurs. Aquarelles, dessins au trait, croquis, l'artiste fait étalage de tout son talent. Toujours à la lisière entre illustration et BD, la mise en scène reste néanmoins d'une grande fluidité. Même les compositions purement explicatives (un objet traditionnel, une explication ethnographique, un paysage, etc.) demeurent toujours au service du récit. La maîtrise du découpage est impressionnante, cependant elle ne suffit pas à faire oublier le déséquilibre du scénario.
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