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n ce début du mois d’août 1936, cinq cent cinquante mille ouvriers français découvrent les congés payés. À vélo, en train ou bien encore en voiture, les cohortes des premiers vacanciers s’abandonnent, durant quinze jours, aux joies de l’oisiveté et du soleil. C’est l’occasion pour Mattéo de revoir Collioure, sa mère et Juliette…
Dans Troisième époque, Jean-Pierre Gibrat évoque, avec une sensibilité teintée de nostalgie, la France du Front populaire : celle de la semaine de quarante heures, de l’allocation chômage, de l’école obligatoire jusqu’à quatorze ans. Celle qui, sans le savoir, goûte les derniers instants d’insouciance d’une décennie qui la verra bientôt entrer en guerre.
La saison s’y prêtant, le dessin est un appel au vent sous les robes translucides, à la douceur d’un baiser donné, au goût de l’anisette, à l’odeur des pins, à une brise marine dans les cheveux, aux balades en tandem, à la chaleur du jour et à la tiédeur des nuits. Cet album est un flot de souvenirs qui, emmagasinés au cours d’une quinzaine ensoleillée, tiendront chaud au cœur le reste de l’année. Jouant sur les cadrages, les angles de vue, le découpage ou les couleurs, le trait comme la mise en lumière savent insuffler mouvements et intensité. Dès lors, une simple promenade sur la plage prend des allures de valse.
Toutefois, derrière cette légèreté estivale, la tragédie espagnole se prépare.
Condamné au sortir de la Der des Ders, puis amnistié, Mattéo est resté à Paris où, ironie du sort, il est désormais… tailleur de pierres ! Mais ce retour au pays de son enfance fait resurgir tout un passé difficile à oublier. Malgré son apparent détachement et les bras de Juliette grands ouverts, il ne peut définitivement éteindre la révolte qui lui coûta dix ans de sa vie et la mort de nombre de ses illusions. Il est des causes à défendre, même si elles sont perdues.
S’il convenait de donner un adjectif à cette histoire, celui de "social" viendrait en premier. Au-delà de ces plages soudainement pleines d’une foule bigarrée autant qu’animée ou des bals au son de l’accordéon, la petite ville catalane cristallise les rivalités politiques qui agitaient l’Hexagone, exacerbées par la proximité d’une Espagne qui servait de répétition aux fascistes européens.
Chronique douce-amère d’un été particulier qui put faire croire en des temps meilleurs, ce nouveau volet de Mattéo illustre, s’il en était besoin, le talent de son créateur.
Le 3ème tome fait un bond dans le temps. On passe à l'année 1936, celle du front populaire alors que l'Allemagne et l'Italie se prépare à la guerre. L'écriture demeure toujours aussi riche. On regrettera cependant de ne pas savoir ce qui s'est passé pendant ces 18 dernières années où notre héros a dû purger sa peine d'emprisonnement dans les bagnes de Cayenne. Il ne semble pas avoir subi le poids des années malgré sans doute de dures conditions. C'est également le temps des ballades sur la plage après avoir traversé la révolution russe et la première guerre mondiale dans les tranchées. Bref, c'est l'album d'une pause sans doute nécessaire.
Comme un Tintin réaliste, Matteo témoigne à travers son destin personnel de l'Histoire du XX° siècle. Mais loin des héroïsmes manichéens, ce sont les doutes, les convictions, les illusions perdues, les amitiés, les trahisons, la vie qui guident le scénario. De l'Histoire incarnée.
Cet opus 3, plus léger contexte oblige, reste subtil et contrasté, à l'image du dessin, entre ombres et lumières, magnifique.
A mon sens, ce 3ème tome est encore meilleur que les précédents. L'absence de scène de guerre permet à JP Gibrat de mêler astucieusement Histoire (la grande, la vraie), politique, et fiction, avec les aventures de Mattéo et de ses comparses. On commence à s'attacher aux personnages, ce qui manquait un peu dans le 1er tome, voire dans le 2ème. Les dessins sont toujours aussi beaux. Bref, que du bon...
On à l'impression d'attendre la suite depuis tellement d'années qu'on aurait envie de mettre 10 étoiles rien qu'en apprenant la sortie d'un Tome 4 ...Gibrat c'est aussi magique que c'est rare ...
Attention SPOILER
L’un des avantages de la bande dessinée est de pouvoir découvrir des séries déjà bien entamées et de se lancer dans un marathon lecture. Heureusement pour mon porte monnaie, cette série de JP Gibrat ne contient que trois tomes à ce jour. Je n’avais donc aucune idée de ce que j’allais trouver dans cette série, achetée sur les conseils de mon libraire préféré et séduit par le grand format et le style crayonné. Je décidais donc de me lancer à l’assault de « Mattéo ».
Le récit de JP Gibrat couvre la vie d’un militant anarchiste français d’origine espagnol qui ere d’une guerre à l’autre, cherchant le combat qu’il pourrait gagner sans renier ses convictions. Cela commence à l’aube de la 1er guerre mondial. Dans l’insouciance et la tranquillité d’un petit village basque, la guerre se prépare. D’abord accueilli avec enthousiasme par les habitants, la guerre et son lot de morts va vite refroidir l’ardeur des villageois. Mattéo, lui, est amoureux de Juliette, un de ces amours qu’on croit acquis mais qui nous échappe à chaque fois qu’on essaye de le saisir. Il s’en serait bien passé de la guerre, mais le regard des autres et surtout celui de Juliette, qui se détourne de plus en plus pour un autre plus noble, un De Brignac … ne le pousse à s’engager. De là il va connaitre la misère des tranchées, l’aveuglement des masses et la fraternité des poilus. Il va subir l’autorité des chefs et leur vengeance mais être sauvé par la gentillesse d’une infirmière et l’amour de sa mère.
Dans le deuxième tome, Mattéo revient de son exil en Espagne pour revoir sa mère et surtout Juliette. Toujours elle, qu’a t-elle qui l’attire tant, le pousse toujours à y croire? Il est résigné mais il essaie, un peu comme si de toute les guerres, c’est celle ci qu’il voudrait vraiment gagner. Las de l’attendre, il décide de partir en Russie où la revolution communiste bat son plein. Avec un ancien ami, ils partent confronter leur idéologie à la réalité de la révolution. La couleuvre est difficile a avalée pour Mattéo malgrès les charmes de Léa, une militante bolchévique qui n’a pas froid aux yeux et ne recule devant rien pour porter la révolution en avant. Mattéo traversera cette époque tant bien que mal, de déceptions en petit bonheurs, il continue de chercher sa place qui l’amènera jusqu’au bagne de Cayenne.
Mattéo est de retour à Paris pour le troisième tome. Lui et ses amis profitent des premier congés payés pour retourner dans son village natale. La vie s’est chargé de forger le caractère de toute cette petite bande de copains aux aspirations de socialisme aussi bien dans leur coeur que dans leur chair. C’est un vent de légèreté qui souffle sur ce tome loin de la guerre boueuse et du froid soviet. C’est l’entre deux guerre. La société française aspire à la paix et à la gaieté mais la politique international ainsi que les résurgences fascistes d’une noblesse malmenée annonce le spectre d’une nouvelle guerre à laquelle personne n’échappera.
Gibrat réussi avec brio à donner vie à ses personnages aussi bien dans la légèreté que dans la misère. Tout est fait avec justesse, du coup de crayon aux couleurs d’ambiance. Les découpages soutiennent un récit finement mené, avec des dialogues bien travaillés. Il y a des pointes d’humour, des remarques sanglantes, des situations cocasses. On a parfois du mal, surtout dans le premier tome, à distinguer les visages. Certains dialogues exige aussi une deuxième lecture pour être sûr de qui parle. Mais ces petits défauts sont largement compensé par la richesse des caractères et de leur singularité. L’humain est placé au centre du récit et les décors colorés (du sud, des tranchés de la Russie) ne servent finalement qu’à révéler la psychologie des personnages. Gibrat impose son talent dans la construction des personnages. Chacun apporte sa petite pierre à l’édifice et se construit dans le rapport à l’autre. C’est vivifiant comme histoire, ca vous rappelle à quel point l’amitié, la solidarité et les voyages nourrissent l’esprit et nous pousse à faire des choix.
J’ai adoré l’aventure, j’attendrai avec impatience la suite.
superbe est le mot le plus approprié à mon sens.
aussi bien pour les dessins que pour le scénario en passant par les couleurs.
bref, une série à avoir absolument dans sa bibliothèque.
Tout ce que fait Jean-Pierre Gibrat est exceptionnel, ce tome 3 de Mattéo est exceptionnel.
On y retrouve un petit goût de Boro de Dan Frank et Vautrin: du bonheur! A lire sans modération.
Merci Mr Gibrat pour cette relecture de notre histoire.
Merci pour vos aquarelles: chaque vignette est un émerveillement et permet de planter cette ambiance estivale pleine de saveurs, de soleil, d'erotisme, de politique.
Vous m'avez de nouveau fait plaisir!
Merci.
Je suis totalement rentré dans l'ambiance de ce récit sur les premiers congés payés et les débats politiques de l'époque. Certes on a un peu de mal quelquefois à distinguer Amélie de Juliette, mais elles sont diablement jolis, le temps n'a pas de prise sur elles. Les hommes sont moins gâtés que ce soit physiquement ou moralement. Et le décor est lumineux. Cette série est à la hauteur des autres chefs d'œuvre de l'auteur, absolument indispensable.
Un très bon album.
Ce que j'apprécie particulièrement est justement la "naïveté", en effet on côtoie des personnages qui ont une vision de 1936 et ils sont plus préoccupés par leur immédiat et l’Espagne toute proche de Collioure que de savoir ce que Staline fait ... en plus pour mimassa, je rappelle que peut être que Staline avait les goulags mais en France il y avait Cayenne d’où justement le personnage vient de sortir, ce qui peut en effet tronquer son jugement, et je ne suis pas sur que le monde entier savait à cette époque, il y avait une forte propagande de la part du régime soviétique, et encore une fois c'est loin de Collioure et de sa préoccupation immédiate des franquistes.
On ne peut pas tout lire avec le regard d'aujourd'hui sur l'histoire, et c'est justement ce regard qui ne sait pas tout de l'histoire du monde qui fait la force de ce récit.
Une très jolie BD qui fait avancer les choses en douceur, mais il faut aussi réussir à ce qu'on sache ce que pense mattéo, lui qui justement essaye de rester secret, alors oui ça prend un tome ou par moment c'est un peu lent, mais ça reste du très bon.
Je suis très déçu.
Je suis un inconditionnel du travail de Jean-Pierre Gibrat. Le sursis fait partie de mon top 3 en BD.
Le dessin de ce Matteo 3 reste magnifique, mais le reste ! Non seulement, comme le dit mimassa, c'est une accumulation de poncifs à la gloire des gentils communistes, mais le scénario est à ce point décousu qu'il en devient difficile à suivre, défaut accentué par le fait que plusieurs personnages se ressemblent et qu'on ne comprend pas toujours qui est qui. A la page trente, je me suis étonné que le récit n'ait pas encore commencé. Je me suis encore forcé pendant trois pages, puis je suis allé lire la fin qui était, hélas, sans intérêt.
Ca ne doit pas être facile pour Jean-Pierre Gibrat de voir tous ses nouveaux albums comparés au chef d'oeuvre qu'est le sursis. S'il me lit, qu'il sache que je continue à le considérer comme un génie du dessin !
Un dessin superbe... mais le scénario enchaîne les poncifs sur cette période de l'histoire sous un angle manichéen sans grand intérêt.
Une sorte d'image d'Epinal revisitée à la gloire des gentils rouges communistes .... (en 1936, Staline a déjà accumulé quelques millions de morts) et l'on peut comprendre les réticences du pauvre radical de l'histoire... Bof bof !
Une première lecture un peu rapide (tendance à vouloir connaître la fin, d'autant que j'avais déjà lu le début dans un magazine) m'a laissé un peu sur ma faim.
Puis après une seconde lecture, sans suspense donc plus attentive, on retrouve tout ce qui fait la force des albums de Gibrat. Les dessins magnifiques, la subtilité des dialogues, des révélations inattendues et, malgré les désillusions, un engagement qui se cherche mais ne se perd pas,...
Alors oui c'est un album de transition. Après la guerre des tranchées et la révolution russe, les premiers congés payés c'est forcément plus calme. Mais si les tensions sont moins visibles, elles se nichent au cœur de personnages tiraillés, abîmés par leur destin. Et malin qui saura savoir comment va évoluer la suite. Il reste 2 albums à paraître, donc rendez-vous dans 5 ans pour la fin... si on est toujours en vie !