A
près une énième engueulade avec son père, James part de chez lui (en embarquant la voiture familiale). Sa petite amie, Alyssa, l'accompagne. Très vite, cette fugue sur fond d'idylle adolescente va se transformer en une cavale sans cause ni espoir de retour.
Il est difficile de classer The end of the fucking world dans un genre spécifique : road movie façon Sailor et Lula ou Badlands ? Roman initiatique du passage de l'enfance à l'âge adulte ? Fable sociale sur le désenchantement de la génération Y ? Quoi qu'il en soit, pour un premier album « officiel » après de nombreux zines auto-édités, Charles Forsman entre avec fracas dans le monde du 9e Art et même plus, puisqu'une adaptation télévisuelle de son œuvre est déjà prévue.
À partir d'un sujet déjà maintes fois utilisé et avec un style graphique à la limite du minimalisme, l'auteur a conçu une trame d'une profondeur à première vue insoupçonnée. En effet, le trait extrêmement simple du dessinateur donne une allure presque enfantine à l'ouvrage. Cette impression ne dure pas, puisque dès l'introduction, les actions de James ne laissent planer aucun doute sur le ton très dur et direct du récit. Mieux encore, cette dichotomie initiale en annonce une autre, encore plus percutante et déconcertante. En effet, au fil des chapitres, le rôle de narrateur alterne entre les deux héros. Le scénariste se dédouble et offre un double regard au lecteur. Des individus fortement liés partagent-ils une vision commune sur le monde qui les entoure ? Que pense l'autre ? Cette astuce scénaristique ouvre plusieurs niveaux de lecture passionnants.
Même si, graphiquement, tout n'est pas encore totalement en place – il s'agit d'un premier album, rappelons-le -, Forsman possède un talent certain pour le découpage et la mise en page. Les planches, d'un étrange petit format presque carré, sont admirablement construites et d'une grande variété (de la grande case panoramique au moule à gaufre le plus dense). Au final, le résultat est des plus efficaces, l'artiste ayant réussi à trouver le juste cadrage ou la bonne attitude pour pratiquement chaque épisode de cette odyssée.
Fourmillant d'idées du début à la fin, The end of the fucking world est à découvrir dans les plus brefs délais.
Sur le même sujet :
- le site de Charles Forsman,
- entretien avec l'auteur sur Comic Book Ressources (en anglais).
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