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’Italie en 1527. Tito da Lodi, alias Fanfulla, condottiere célèbre, ombrageux, redouté, participe au sac de Rome avec les troupes de Charles Quint. Entre deux rixes, entre deux beuveries, il prend le temps de se lier d’amitié avec Moritz, un bouillant mercenaire allemand. Quelques saisons plus tard, les deux soldats de fortune reprennent les armes, au service cette fois-ci de la jeune République de Florence, assiégée par les milices de l’Empereur. Complots, trahisons, amours, embuscades, assauts, s’enchaînent et se mêlent, au gré des succès de Francesco Ferrucci, l’intrépide commandant des troupes florentines.
Adaptant un obscur roman italien du XIXe siècle, le scénariste Milo Milani met en scène une figure surprenante, sorte de soudard au grand cœur, une tête brûlée prompte au grabuge mais noble d’âme, un spadassin partagé entre ferveur religieuse et exaltation belliqueuse. Ce personnage de fiction – le Fanfulla historique avait disparu dès 1525 à la bataille de Pavie – est un guide de premier choix pour se plonger dans les péripéties méandreuses des guerres de la Renaissance. Malheureusement, si le sujet est riche, si les héros sont pittoresques, le traitement en lui-même se révèle un peu mièvre. Une voix off pesante, excessivement congruente avec le dessin, semble devoir guider un trop puéril lecteur à travers des ellipses pourtant loin d’être abruptes.
Bien que le ton soit franchement daté – on était alors au milieu des années 60 –, le graphisme d’Hugo Pratt apparaît lui d’un modernisme, ou d’une intemporalité, remarquable. Bien servies par la mise en couleurs subtile et discrète de Patrizia Zanotti, les compositions du maître transalpin sont remarquables d’équilibre. Même si certaines perspectives discordantes trahissent la rapidité d’exécution, le dynamisme, l’énergie, la justesse des attitudes et des mouvements éclatent à chaque page, portés par cette maîtrise typiquement prattienne de l’encrage, jouant des ombres, réparties en noires masses flottantes d’un pinceau épais, vif, ardent.
À défaut de passionner véritablement un lectorat non féru de littérature picaresque, cette édition retravaillée, en mettant en valeur de façon aérée la force expressive de son trait, permet l’heureuse redécouverte d’une œuvre, certes mineure, d’un géant de la bande dessinée.
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