E
n Irak, durant leur temps libre, les compagnons d’arme s’invectivaient en s’affublant mutuellement de surnoms tels que Spielberg, Mr Propre, Einstein et Garfunkel. Rentrés au pays, au contact de leurs proches, les trois derniers sont redevenus Uriel, Samuel et Andrew. U-S-A. Au moins, eux, sont-ils revenus, et physiquement indemnes. Psychologiquement, rien n’est pourtant simple et l’accueil digne de héros qui leur est fait ne suffit pas pour que tout redevienne « comme avant », pour eux-mêmes comme pour leur entourage.
Will Argunas choisit une nouvelle fois l’Amérique comme scène où évoluent des personnages meurtris, avec l’intention de mettre le doigt où ça fait mal. L’auteur n’a pas la réputation d'être le chantre de l’idéal américain tel qu’il s’exprime dans les discours de propagande de la première nation du monde libre et USA en témoigne une nouvelle fois. Chaque protagoniste révèle ses fêlures, montre son inaptitude à endosser à nouveau l’habit de l’average guy évoluant dans un patelin commun. La palette des profils retenus permet de couvrir une forme de représentativité que ce soit en termes de profil racial, d’origine sociale ou de situation familiale. Pourtant, ce parti-pris induit le sentiment de voir emprunter le chemin fortement balisé des stéréotypes par souci d'être exhaustif. Il n’y a pas grand-chose à reprocher que ce soit en matière de descriptions ou de réalisme, d’exécution et de rythme (découpage, présentation des séquences en public qui sont un des points forts d’Argunas) ou de soin apporté aux dialogues mais un fort air de « déjà pointé du doigt » prédomine. La lecture est agréable mais de frisson, de malaise ou de sensation de révolte, il n'y a pas.
Minutieusement agencée, cette chronique souffre essentiellement d’aborder un sujet régulièrement traité, le mal-être de ceux qui reviennent d’un voyage au bout de l’enfer en ayant abandonné une partie de leur âme là-bas. Faut-il se résigner à trouver leur situation banale sous prétexte qu’elle a été exposée tant de fois ? La question est posée.
Quelque soit la guerre, celle-ci fait incontestablement des ravages. C'est vrai des guerres anciennes mais également les guerres modernes. Celle concernant l'Irak est encore dans tous les esprits. On apprend ainsi que les vétérans de la guerre d'Irak tournent plutôt mal une fois rentré au pays. Il y a en effet des suicides chaque jour et le total dépasse de loin le nombre de morts sur le terrain. Cela mérite que l'on s'y attarde pour essayer de comprendre ce phénomène d'inadaptation à la vraie vie.
On aurait envie de dire aux trois vétérans Uriel, Samuel et Andrew symbolisant les USA qu'ils pourraient maintenant profiter d'une belle existence après leur cauchemar. Cependant, leur esprit est détraqué par un mal qui finiront pas avoir leur peau à quelques exceptions près. C'est tout le drame qu'est contée dans cette bd. De la déprime que je ne conseille pas à l'achat à moins de le vouloir. Il y avait le traumatisme du Viet-Nam. Il y a désormais celui de l'Irak. On aurait bien envie que cela s'arrête.