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ne des constantes chez pratiquement tous les auteurs de BD est une propension à vouloir retrouver (ou cultiver, pour ceux qui n'ont jamais vraiment grandi) son enfance et son sens de l'émerveillement en se racontant des histoires. Sous des faux airs autobiographiques, Gilbert Hernandez, co-auteur avec ses frères du mythique comics underground Love and Rockets, fait coup double avec La saison des billes. En plus de brillamment retracer sa propre trajectoire, il illustre avec beaucoup de brio une époque remplie d'innocence où tout est encore possible.
La première chose qui saute aux yeux à la lecture de l'album est l'absence totale des adultes. Les enfants semblent vivre dans un monde autonome en marge de celui des grands. Dans cet univers clos – une quelconque banlieue californienne des années soixante - Beto et ses copains jouent, se bagarrent et s'amusent à faire semblant. Des amitiés se forment, se brisent. Des instants insouciants, parfois faits de mini-drames (les premiers amours...) synonymes d'expériences formatrices, qui feront les souvenirs de demain. La narration, soutenue par un dessin volontairement d'une grande simplicité, est exemplaire. Alors qu'il aurait pu se contenter de mettre en scène une liste d'incidents ou de moments marquants de son existence, le scénariste va plus loin et restitue méticuleusement l'atmosphère de son passé. En fait, il ne raconte pas son récit, il le (re-)vit, le respire littéralement !
Au centre de ce microcosme, Beto – l'auteur en devenir – crée déjà des histoires : il écrit des pièces de théâtre (qui se transforment en films pour faire plus moderne), qu'il joue ensuite avec ses frères et voisins. Et, surtout, il dévore tous les comics qu'il peut dénicher. Le virus est déjà là. Si le don de conteur se fait plus que remarquer, le futur créateur de Palomar montre également comment la pop-culture (son obsession pour les cartes Mars Attacks ! par exemple) a pu l'influencer. Hernandez semble dire : toute mon œuvre vient de là. À toi, lecteur, d'en déceler les traces dans mes livres.
Loin de la leçon d'histoire ou de toute forme de démonstration sociologique, La saison des billes est une formidable plongée dans une période de la vie commune à tous. À lire, pour ne pas oublier.
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