T
out commence dans une petite case à l'ombre d'un palmier. Jiři et Pôlka ont soif, car le soleil tape dur. Il faut donc trouver à boire ou, à la rigueur, un marteau pour ouvrir cette noix de coco. Le problème, c'est que dans ce trou perdu, à part quelques poissons volants pas très causants, il n'y a pas grand monde. Alors, les deux compagnons décident de partir à la recherche de nuages (si quelqu'un peut passer un marteau, ça va aussi).
Au premier abord, Saveur Coco ressemble à un hommage très appliqué à Georges Herriman. Renaud Dillies semble utiliser les mécanismes du créateur de Krazy Kats : un univers étrange et exotique, des situations absurdes qui se répètent et un humour très recherché en éternel décalage. Même l'habillage général, qui reprend une esthétique chamarrée, semble être tout droit sorti des pages du génial auteur américain. Si, sur la forme, la parenté ne peut être niée, le fond est plus personnel. À ce propos, les lecteurs qui ont apprécié Bulles et Nacelles ou Mélodie au crépuscule reconnaîtront certains des thèmes chers au scénariste de Betty blues.
C'est au niveau graphique que Dillies se démarque vraiment. En effet, en plus d'un dessin au trait très fin et élégant, il développe tout un art extraordinaire de la mise en page. Des créatures fantasmagoriques surgissent du sable - l'action se déroule dans un désert – et les protagonistes visitent des constructions branlantes dignes des œuvres de Fred ou de Nikita Mandryka. Les planches se décomposent, se dilatent et s'écroulent. Encore des influences ? Oui, mais parfaitement assumées et, surtout, sur lesquelles le dessinateur bâtit sa propre voie.
Tribut à la limite du culte aux maîtres du passé, Saveur coco s'avère être une lecture rafraîchissante et parfois déroutante. Quelqu'un aurait un marteau ?
Dillies laisse ses personnages anthropomorphes vagabonder dans un monde entièrement occupé par un désert. Au cours de leur voyage dans le désert, les caractères mènent un dialogue poétique parfois drôle, parfois absurde, parfois philosophique.
"Où allons-nous ? Tout droit vers l'horizon. droit devant, allons droit devant, par-delà l'horizon, Jiri ! " L'image suivante montre la petite planète ronde. Ou encore plus loin dans le livre, un carrousel où tous les personnages sont figés dans leur mouvement.
Il n'est alors pas étonnant que le sentiment d'un peu de désespoir frappe parfois aussi les plus téméraires. "Un nuage de dés espoir enveloppe nos amis... , malheureusement point climatique."
Jiri, Polka, Noix De Coco, Bouteille, Lune, Poisson,
Aujourd'hui il fera beau, sec et chaud
sur l'ensemble du pays...
Un deux trois soleil,
Sur Radio Noix de Coco
Il fera toujours beau
J'aime beaucoup cet auteur et ce qu'il fait (Sumato, Betty Blues, Le jardin d'hiver, Mélodie au crépuscule...). Il est vrai que cela faisait un bon bout de temps que je n'avais pas lu une oeuvre signée par lui. On retrouve toujours la même poésie, une sorte de douceur de vivre malgré l'adversité et le monde hostile qui entourent ses personnages animaliers.
Là, ils doivent affronter le désert. La tristesse et l'émotion sont pour une fois totalement absentes. Cela verse plus dans l'humour et une forme d'absurdité mais que j'ai bien intégrés. Je regrette un peu une fin un peu en queue de poisson.
Cependant, dans son ensemble, c'est toujours un plaisir de retrouver un univers exotique et décalé. J'ai également ri par moment, ce qui constitue un exploit. Au niveau graphique, c'est un must grâce à la technique et l'inventivité. Bref, j'aime cette saveur coco.
Si je suis restée de marbre face à ce scénario au goût d’absurde, mes yeux n’ont pas boudé leur plaisir au fil des planches. Les dessins habituellement sombres de Dillies ont laissé place à un univers lumineux et coloré qui donne envie d’échappées mexicaines. Les dessins rayonnent, les planches transpirent le raffinement et nombreux sont les détails parsemés sur chaque page qui ont tout d’enluminures délicates. L’esthétique des bulles et des vignettes, retravaillée et sans cesse revisitée, parfois même détournée, fait de cet album un très bel objet graphique. C’est là sa véritable réussite, et ce trait, si facilement identifiable, force mon admiration. Cet homme est vraiment talentueux et cela s’impose dès les premières planches.
D'abord séduis par les dessins et l'ambiance décalée de l'album, je n'ai pourtant pas été emballé comme je l'espérais...
Pour être honnête je n'arrive toujours pas à comprendre l'intérêt du "scénario". Il n'y a pas de chute et entre la première case et la dernière l'histoire n'avance pas...
"Plus poëtique que le petit prince" il parraît. Moui.... mais non !
Préférez "Abélard" du même auteur.
De nouveau un excellent album. Poésie, couleurs, lignes ... tout cela sur un fil fragile, fantasmagorique ... comment un désert peut-il être si chatoyant et lumineux?