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nviron trente cinq mille ans avant notre ère, le jeune et fougueux Cheval Cabré porte bien son nom. Ce soir, l’intrépide chasseur du clan Takhja marie sa plus jeune sœur au chamane Main d’Écume, du camp de la Vague Noire. Mais ce n'est pas son bonheur conjugal qui préoccupe son nouveau beau-frère à son arrivée. Dans une de ses visions, les esprits lui ont révélé un présage de grandes douleurs et de grandes joies, liant le destin de Cheval Cabré à une femme aux yeux de miel. Lors d'une chasse, s'éloignant un peu trop, le jeune homme interrompt la battue de deux hommes-ours, enfants maudits de Ourzohounkan, l'ours rouge. Mis à terre par l'homme, il est soigné par la femme, Vo'Hounâ, aux yeux de miel. De retour au campement, le devin de la tribu confirme la prophétie de son confrère : c'est la volonté de la grande Ao d'envoyer Cheval Cabré vers les hommes-ours. Muni de présents et d'un fétiche, le crâne de merle, qui permet de comprendre et parler toutes les langues, le héros va découvrir qu'il est attendu depuis longtemps. Il est l'homme-long dont le destin est de tuer Thuriaq, puissant sorcier maléfique et immortel, et époux de Vo'Hounâ...
Publiée en 2002, Vo'Hounâ n'a pas connu le succès qu'elle méritait. La série s'est interrompue, en suspens, en 2005 sur un troisième tome. Peut-être était-elle sortie trop tôt. Au même moment, le cinquième tome de la série libidineuse de Jean M. Auel, les enfants de la Terre, paraissait en France sur le même thème. Un roman-fleuve mettant en scène les fantasmes de l'écrivain sur fond d'opposition entre des Néandertaliens, brutes barbares basanées et velues, et nobles Cro-Magnons, beaux aryens féministes et raffinés. Le pitch de Vo'Hounâ, une histoire d'amour entre les deux espèces, a pu paraître opportuniste, surfant sur la vague de ce best-seller, du déjà-lu. Pourtant, les deux opus ont à peine plus en commun que leur arrière-plan historique. La passion est toujours présente, certes, tout comme une dimension épique, des épreuves et énigmes initiatiques, des mystères. Mais il y a aussi bien plus, à savoir tout ce que l'humanité a accumulé depuis des millénaires dans son subconscient et transmis jusqu'à nos jours via les légendes.
En effet, au lieu de s'en tenir à une reconstitution plus ou moins scientifique du début du Paléolithique supérieur, Emmanuel Roudier a remonté la trame des mythes les plus anciens pour reconstituer un environnement tel qu'auraient pu le percevoir et le comprendre les Aurignaciens. La nature y est mystérieuse et fantastique, ouverte sur plusieurs dimensions. C'est une terre sur laquelle marchent les esprits, où la communication et les pactes entre les humains et les animaux sont encore possibles. Fait rare dans la bande dessinée actuelle qui privilégie le graphisme aux mots, le texte est fourni. L'histoire est aussi dense que documentée, se déguste lentement, emportant le lecteur dans un voyage à travers le temps et la pensée.
Vo'Hounâ – une légende préhistorique n'est pas tout à fait une intégrale. Judicieusement enrichie par un quatrième et dernier tome, présentée dans un format légèrement réduit, la série a été entièrement remaniée. Plus mature, avec dix ans d'expérience de plus en tant que scénariste, Emmanuel Roudier, intégrant les critiques de l'époque, a redécoupé et allégé son œuvre. Il la transcende en privilégiant l'épure, pour présenter ses planches en noir et blanc posées sur un fond d'ocre rouge, en référence à cette terre issue du démantèlement de la chaîne hercynienne qui se trouve à l'état brut à Lodève (34), utilisée pour les premières mises en couleurs de l'humanité sur les parois des grottes. Elle fait écho au sang d'Ao également, qui apparaît par petite touches sur les cases, sur les masques des prêtres, les peintures des corps et les dessins des cavernes, les flammes, les cheveux de la belle Néandertalienne. Dernière cerise sur le gâteau, un passionnant carnet graphique vient éclairer le travail de l'auteur et le mettre en parallèle avec les dernières recherches anthropologiques.
Pour ceux qui auraient encore une hésitation à se jeter sur cette petite merveille, elle est au prix totalement indécent de 28 euros les quatre tomes. Foncez, il n'en restera pas pour tout le monde.
Grandiose. Cette intégrale est une vraie plongée dans l'univers de Roudier : la préhistoire.
C'est beau, l'histoire prend aux tripes, les dessins sont sublimes, le dépaysement total.
C'est à travers de tel livre que la BD gagne ses titres de noblesse et s'affirme comme un art majeur.
S'il vous plait Patron Roudier vous remettrez une tournée ?
Excellente compilation que j'ai pu lire avec délice en une journée.
Les dessins sont très beaux avec beaucoup de détail, l'action de chaque vignette saute facilement aux yeux.
Le contenu est très riche, le scénario est captivant et se développe à bon rythme. Il y a une vrai recherche pour reproduire ce que pouvait être la vie d'un Homme à cette époque et on se plaît à plonger dans cet univers paléolithique, où au delà de se délecter de l'intrigue, on en apprend plus sur nos ancêtres et on imagine à quoi pouvait ressembler leur existence: une société aux croyances animistes dans une nature à la fois hostile et nourricière.
Je recommande très chaleureusement la lecture de cet histoire aux bdphiles de tout poil qui aiment les belles aventures, d'autant que pour 28€ vous en aurez plus que pour votre argent! Foncer!
Excellent album, passionnant à lire. Le seul point négatif est le format de l'ouvrage, beaucoup trop petit, qui ne met malheureusement pas suffisamment en valeur les superbes dessins.
Le format est plus petit que le format FB classique (Spirou et Fantasio par exemple). L'intégrale est un bel objet avec 16 pages de bonus à la fin (beaucoup de textes d'explications que je n'ai pas encore lus).
Le dessin est N&B, de ce N&B splendide, tout en jeu d'ombres et de textures, qui se suffit à lui même et n'a pas besoin d'être alourdi par la colorisation, à la différence d'un simple dessin encré et vide qui a besoin de la couleur pour prendre vie. Et, de temps en temps, un trait de couleur ocre vient souligner, toujours à bon escient, telle scène ou telle action. Au niveau de la qualité du dessin, je ne connaissais pas le travail d'Emmanuel Roudier avant de lire Vo'hounâ. Son trait est précis dans les détails et les décors sont foisonnants. Le style est réaliste, très très agréable à l'oeil.
La construction des planches est solide, la narration est parfaitement maitrisée et la lecture est fluide : aucun problème de ce point de vue là et c'est plus qu'agréable... Un seul point à prendre en compte, il s'agit d'une BD très parlante (et je n'ai pas dit verbeuse, attention !) mais comme cela passe quand même très bien à la lecture, cela n'est pas un défaut.
L'univers m'apparait complexe, bien pensé et tout m'y parait crédible et réaliste. Les phases d'explications ET de fantaisie y sont parfaitement intégrées... Sauf que pour les premières, il faut les expliquer... D'où le fait d'avoir une BD parlante qui ne sera pas lue en 20 minutes le soir, en rentrant du boulot... Je pense aussi que le fait que les personnages parlent beaucoup est une volonté de l'auteur d'illustrer et de retranscrire un monde suffisamment dur pour que l'homme y survive et donc la nécessité pour les humains de parler entre eux pour s'entraider... Bref... Sans être un expert de cette période historique, je n'ai remarqué aucun lézard.
Enfin, l'histoire est très très bien : on s'attache fortement aux personnages dont les évolutions sont bien amenées et on souffre pour ce qui leur arrive... Pour tout vous dire, si l'auteur annonçait une suite (sous forme de deuxième cycle, comme souvent maintenant), à cette histoire, je signerais des deux mains tant j'aurais envie de retrouver ses personnages... Ou même simplement cet univers...
Pour conclure... C'est une histoire complète de fantasy préhistorique de très très grande qualité (et ce sur tous les plans) qui vaut largement, amha, les 28€ demandés pour son acquisition...