"- Deux hommes sont dans un bateau, une tempête les met à l'eau. Ils n'ont aucun moyen de savoir où est la côte. L'un pense que le mieux est de rester sur place à attendre les secours, l'autre veut nager en espérant augmenter les chances d'être repérés. Ils se séparent...
- Que s'est-il passé, ils ont survécu ?
- Mauvaise question. La bonne question est : si tu devais choisir, lequel des deux serais-tu ?"
2001. La bulle internet vient d'éclater. De client privilégié, David est rapidement devenu indésirable auprès de sa banque. Son entreprise est en liquidation et lui même, ainsi que ses six cents employés, sont jetés dehors. La police vient de lui saisir son véhicule à son domicile. Vingt et un millions de dettes alors qu'il lui reste cinq euros en poche pour solde de tout compte. Ses anciens amis et collègues se détournent de lui. Losers, l'économie "sérieuse" peut enfin cracher tout son mépris à la face des orgueilleux net-entrepreneurs qu'elle a poussés à la ruine après les avoir exploités. Deux mois que David passe à jouer non-stop à Diablo II, au lieu de chercher à nouveau du travail. Sur les serveurs de Blizzard, contrairement à ceux de Wall Street, règnent des règles simples : les objets se vendent et s’achètent à leur valeur réelle et l'accumulation de trésors crée la richesse.
Édité en espagnol sous le titre Éxito para perdedores (Le succès pour les perdants), David Cantolla, créateur d'entreprise et auteur de la série animée Pocoyo revient sur l'emballement du Nasdaq dont il a été victime au début des années 2000. Accompagné par un personnage fictif, Maître Yan, il décompose en quelques scénettes humouristico-philosophiques (« le kung-fu des entrepreneurs »), le mécanisme délirant de la Bourse, où l'action d'une boîte virtuelle peut prendre sans aucun argument rationnel 1000 % en 3 mois ; cette effrayante machine folle, hors de contrôle, qui dévaste l'économie réelle lors de terribles remises de pendules à l'heure. Le parti pris original de dérouler la narration à rebours, en commençant par la fin et en remontant le temps, accentue la sensation de chute et le côté absurde de cette autobiographie. Le trait épais et minimaliste de Juan Duaz-Faes ajoute au décalage en créant une atmosphère de vieux jeu vidéo qui semble déconnectée du réel tout comme les marchés financiers.
« Ce monde est fou », cette phrase résume la chronique de la descente d'un homme dans l'enfer économique. Néanmoins, Jeveuxreussir.com reste profondément optimiste et empli de bon sens et se veut un hommage et un encouragement à ceux qui osent entreprendre et nager en dépit de la tempête.
C'est une lecture idéale lorsque l'on souhaite entreprendre et créer sa propre boîte. Il y aura les moments d'euphorie lors de la signature des premiers contrats mais également la douche froide quand viendront les premières difficultés. Avec l'émergence d'internet, beaucoup de jeunes ont crée leurs propres starts-up qui ont malheureusement explosé à l'aube des années 2000. Ce fut la fameuse bulle d'internet qui a explosé avec la chute du NASDAQ.
La construction de cette bd est une marche en arrière en partant de l'échec et de la ruine d'une entreprise (Teknoland) ayant embauché jusqu'à 600 personnes au meilleur moment de sa courte croissance. C'est jamais très agréable de se retrouver totalement ruiné et à la merci de banquiers prêts à vous envoyer par la case prison si vous ne remboursez pas. A chaque chapitre supplémentaire, on aura droit à une pièce de ce puzzle qu'il faut reconstituer. C'est traité avec une certaine intelligence et facilement compréhensible pour le non initié.
A noter cependant quelques erreurs au niveau de la datation en arrière car la traduction s'est un peu mêlé les pinceaux. En outre, les auteurs sont espagnols ce qui donne un regard intéressant. En effet, le scénariste est un célèbre entrepreneur qui a enfin connu la gloire avec une autre entreprise quelques années plus tard. Il nous conte ici son expérience personnelle qui peut servir à d'autres car c'est un peu la même galère pour beaucoup d'entrepreneurs.
C'est bien de lire une oeuvre autobiographique de gens qui essayent de se battre pour créer de l'activité et de l'emploi sans attendre des aides ou de la compassion sociale. C'est clair que ce n'est pas un parcours très facile et qu'il y aura des déconvenues mais c'est cet esprit gagneur que j'aime par dessus tout. La fortune ne sourit pas toujours aux audacieux mais il faut essayer et qui sait ? Il y a toujours une note d'espoir.