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ourquoi l’énigmatique Cornélius Shiel choisit-il Hector Travis, écrivain au talent discuté, pour rédiger ses mémoires ? Voilà de quoi susciter bien des attentions, à commencer par celle - pour le moins appuyée - de ces hommes qui semblent parfaitement connaître le nouveau pensionnaire du Gilset. Sans le savoir Hector vient de pénétrer en Enfer !
Avec cet album introductif, Patrick Mallet utilise adroitement l’artifice des mémoires pour livrer un double récit. Ainsi structure-t-il son scénario autour de deux époques, celle d’un homme né magicien en 1676 et celle, plus contemporaine, du sorcier qu’il est devenu. Au-delà de ce biais narratif qui évite une trop classique linéarité et apporte quelques originalités à un thème déjà maintes fois traité, l’auteur d’Achab s’abstrait de tout manichéisme et fait de la frontière entre le Bien et le Mal une ligne des plus tenues qu’il est aisé de franchir, dans un sens comme dans l’autre ! Se jouant du temps et des lieux, cette histoire développe un fantastique qui sait être complexe sans pour autant s’avérer compliqué.
Cette même faculté à rendre simple ce qui pourrait ne pas l’être se retrouve dans le graphisme de Patrizio Evangelisti (Fourmi Blanche). Grâce à des angles de vue judicieusement travaillés, le dessinateur transalpin sait distordre la réalité et créer un monde onirique, entre escape céleste et île surgie des eaux. Si le trait est classique, la mise en planche n’hésite pas à briser le cadre traditionnel du gaufrier pour apporter rythme et mouvement à une biographie qui ne laisse que peu de répit au lecteur.
À l’évidence, une série qui débute de bien belle manière.
Cornélius Shiel commence de manière assez magistrale. C'est franchement une belle entrée en matière où notre jeune écrivain va vite basculer dans le paranormal. Le récit de ce premier tome est totalement maîtrisé de bout en bout. C'est même audacieux quant au point de vue choisi et c'est ce que j'ai apprécié.
En effet, l'auteur semble démontrer que dans la lutte des forces du bien contre le mal, toutes les parties sont fautives par les exactions commises. Il va placer son héros du côté obscur c'est à dire comme le confident d'un agent du mal. Bref, il faut se préparer à être du côté de satan contre les anges de dieu. C'est quand même un peu poussif. Cependant, l'auteur trouve la manière de nous faire l'accepter et cela constitue l'originalité de cette oeuvre.
Par ailleurs, le graphisme est époustouflant ce qui ne gâche rien à la bonne idée de départ. Il y a une réelle maîtrise du dessin. Les planches et les couleurs sont de toute beauté.
Le cliffhanger final permet de relancer l'intérêt de la série qui ne va s'étaler que sur trois tomes. Cela promet d'être intéressant.
La couverture donne le ton graphique et scénaristique : deux hommes dans une bibliothèque ésotérique avec en toile de fond, une statue représentant un ange combattant un démon.
Le dessin est original, le trait appuyé et naturel s'associe à une couleur contrastée à l'ancienne avec un effet gouache. Dès la première planche, on est captivé par l'atmosphère urbaine fin XIXème avec ses clubs fermés et ses histoires mystérieuses.
Le scénario à plusieurs niveaux est intéressant. Il mêle le présent et le passé avec talent. Le récit commence de manière assez classique, un écrivain est invité chez un collectionneur, puis il s'enfonce lentement vers l'occulte pour finir sur un thème beaucoup plus magique. C'est l'histoire de Cornélius Shiel qui nous est contée, sa jeunesse, son apprentissage, ses désillusions et le combat occulte entre sorciers et magiciens. La lutte entre le Bien et le Mal est traitée sans manichéisme et annonce un développant prometteur.
L'atmosphère est très bien rendue avec un graphisme maîtrisé et des cases réparties sur les planches dans un style recherché.
Un excellent premier tome qui nous emmène dans un XIXème siècle ésotérique où s'affrontent magiciens et sorciers.