L
ancée en 2009 par les éditions Delcourt, la collection Erotix a pour vocation de présenter de la bande dessinée érotique de grande qualité. Les Infortunes de Madame de Beaufleur en possèdent tous les atours. En commençant par le cadre historique : une affaire de poisons qui excite l'imaginaire dès la première page : noblesse débauchée où l'adultère est roi, beaux mousquetaires, complots, duels, peut-être même messes noires et orgies. Le scénario est simple, à l'instar des intrigues théâtrales du Grand Siècle : une belle veuve est accusée d'avoir empoisonné son père et ses deux époux. Or, malheureusement pour elle, l'acharnement de la justice est à la hauteur des convoitises que suscite son immense héritage. En effet, son unique légataire en cas de condamnation n'est autre que le magistrat de la Cour suprême qui doit la juger, ce qui laisse peu de doute sur sa présomption de culpabilité. Sublimé par un noir et blanc dans un style réaliste, le graphisme peut sans peine se mesurer aux références que sont Mitton, Manara ou encore Gotlib. Certaines cases ont la délicatesse des miniatures à l'eau forte avec leurs détails exquis : richesse des demeures et des vêtements, jeux de miroirs, forêts profuses à la Gustave Doré.
Hélas, le livre pèche au niveau des scènes de sexe qui s'imposent de façon télescopée. Mme de Beaufleur est une femme ravissante qui baise comme on regarde sa montre, un peu trop rapidement et mécaniquement : sodomie dès la troisième planche, double pénétration six pages plus loin alors que la trame n'a pas évolué. Puis ce sera un alignement de poncifs du X : éjaculations faciales, l'inévitable scène lesbienne et le viol collectif. Le tout sans réelle émotion, la dame est une boulimique: elle se gave de façon compulsive, sans vraiment apprécier ce qu'elle déguste. Il manque à cette histoire une tension érotique, le contexte qui amène et enveloppe la copulation, ce qui fait que les couples ou les groupes basculent de la verticale à l'horizontale et suscite l'émoi. C'est le défaut de la bande-dessinée dite "de sexe" de se révéler au final moins excitante que certaines œuvres mainstream comme Murena ou les opus du sieur Marini.
Quand la fin survient, elle ramène aux réalités sordides. C'est dans le drame de sa condition que l'héroïne redevient humaine et attachante, une femme de chair et non plus une automate du coït. Un peu tard, mais juste à temps pour donner au récit une autre dimension et inviter à une relecture.
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