Sirène

L e livre s’ouvre sur une photographie : une femme est couchée, assoupie. La page se tourne et dévoile des visions hallucinées, entre rêves et fantasmes. On raconte qu’un soir, dans un rayon de lune, un poisson s’endormit et se rêva sirène. Aux remous qui ondulent, c’est son chant qui appelle. D’emblée, il y a cette impression de partir en voyage. Au Maroc d’abord, puis dans les pensées intimes de Magda, enceinte et en proie au doute.

La réalité se trouble et la beauté des paysages invite à l’évasion. Décors envoûtants et motifs arabisants se mêlent harmonieusement, tandis qu’une progression lente instille une certaine torpeur, comme pour laisser le temps à l'héroïne de réfléchir à elle-même et aux autres. L’autre, en l’occurrence, c’est cet enfant à naître, hors mariage, dans une famille où "tradition" n’est pas un vain mot. En filigrane s’inscrivent des notions telles que l’altérité, la liberté individuelle, le choc des cultures, l’identité. L’amour, également. L’autre, c’est aussi cette demoiselle étrange rencontrée en chemin, belle, envoûtante, marquée du sang menstruel ; comme un rappel à la féminité au centre du récit, à la vie qui se donne, dans la souffrance parfois.

"Je crois qu’une histoire n’a ni commencement, ni fin", dit Magda au moment de murmurer la sienne. À moins que ce ne soit Daphné Collignon qui s’exprime par sa voix. De nouveau, la frontière est mince entre les deux. Réminiscences de Cœlacanthes ? Peu importe, finalement. La fable est belle, pourquoi devrait-elle s’arrêter ?