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oujours prompts à surfer sur la vague porteuse des modes du moment, les éditeurs ne rechignent pas à proposer des versions papier des blogs les plus en vue. En témoigne la nouvelle collection Tapas, chez Delcourt, dans laquelle débarque ce troisième opus des introspections sarcastiques et nombrilistes de Margaux Motin. La force de l’autobiographie, c’est de parler des autres à travers soi, de présenter son intériorité tel un miroir grossissant face à la propre intimité du lecteur, d’exprimer l’universelle part de l’individu…
Malheureusement, dans le cas de cette Tectonique des plaques, c’est plutôt une loupe qui est braquée sur l’auteure. Le spectateur se transforme alors en apprenti entomologiste découvrant les mille et une péripéties palpitantes de la condition de la trentenaire émancipée en milieu urbain. Avec des préoccupations considérables allant de « quelle tenue mettre ce matin » à « quelle tenue mettre ce soir », en passant par les affres de la vie de couple ou les affres de la vie de jeune mère. Ce n’est pas tant la banalité du discours qui pèche ici : des diaristes à l’existence absolument monotone peuvent très bien raconter cette insignifiance avec force. Mais l’alliance du ton facticement provocateur et de l’exhibitionnisme assumé de la blogueuse résonne lourdement face à la vacuité du propos.
Dans le monde merveilleux de Margaux Motin, tout le monde paraît trente ans, toutes les filles sont minces et sexy, perchées sur hauts talons, et tous les mecs entretiennent savamment leur barbe de trois jours. L'existence s’écoule paisiblement entre copines, fêtes, shopping, sorties, re-fêtes. Ils semblent vivre en totale autarcie, jamais le monde extérieur ni les réalités sociales ne viennent rattraper ces êtres étranges dans leur bulle idéalisée. De cette sitcom pour adulescentes vaporeuses émergent pourtant de rares situations drolatiques, de petites scènes bien croquées, un séduisant clin d’œil à Sempé… Mais l’ensemble demeure bien trop artificiel pour susciter l’enthousiasme : dialogues affectés et outrageusement branchouille, vulgarité forcée – on dit « bite couille » à tout-va pour montrer combien on est une grande fille libérée –, situations convenues...
Rien de saillant ne vient véritablement percuter l’esprit, si ce n'est peut-être un dessin plaisant, dynamique, à la fois dans l’air du temps et empreint de classicisme, s’inscrivant dans la tradition d’un Kiraz qui sut être le témoin élégant de la futilité désinvolte de l’époque yé-yé. L’élégance en moins, c’est bien la même frivolité qui est ici mise en scène.
J'avais envie d'aimer, mais non.
Trop vulgaire, trop futile, j'ai sauté pas mal de pages. Reste un dessin tout en grâce, mais en décalage avec le propos je trouve.
Carrément pas d'ac avec l'avis facile du site qui décrète qu'une bd issue d'un blog doit se mettre en mode chroniques réalistes. Dommage, moi je pense que si je veux du réel dépeint à la truelle, les millions de chroniqueurs radio ou web improvisés avec ou sans talent et légitimité me suffisent et que la bd peut s'en passer.
Au contraire, ce bouquin est un vrai joli livre-parenthèse qui trouve sa saveur grâce à ses caricatures idéales et drôles de nos quotidiens.
Ce livre m'a accompagné généreusement dans l'arrivée tardive de l'été. Chaque trentenaire peut se retrouver de près dans cette tectonique intérieure quand s'entrechoquent nos rêves et résolutions passés et la compréhension de vraies importances qui saillissent parfois de nos quotidiens bordéliques. Le trait et la poésie de ces pages amènent à une réflexion sur soi et une bonne dose d'humour aussi. Bien vu Margaux Motin.
Une seule réserve : les incrustations sentimentales dessins/photos sont de belles respirations mais dommage que le choix graphique participe au dégoulinage ambiant "instagram style", c'est l'overdose.
Complètement d'accord. Tout est dit. Ca fait longtemps pourtant que je suis le blog de Margaux, mais de là à en faire une BD... ça se lit et s'oublie.