Londres Santorin Aller-retour

N euf ans qu'Anna est morte en mer et que Tom Katz, son mari, ne voit plus la vie qu'en gris et blanc, s'acharnant jour et nuit sur son travail d'écriture à produire des best-seller. Lassé de voir le fantôme de sa femme dans tous les lieux de leur vie commune et de toujours écrire la même chose, il décide de partir à Santorin expérimenter une nouvelle méthode de rédaction. Avec la complicité du patron et du personnel de l’hôtel de luxe où il est descendu et sous le regard amusé de Mrs Cadbury, célèbre critique littéraire, il invente Pénélope Brown, une milliardaire britannique extravagante et sans gêne qui aurait réservé toutes les bonnes places du lieu. La mesquinerie de l'âme humaine se révèle être un magnifique terreau à l'inspiration, l'écrivain se délecte à noter les ragots et méchancetés des femmes et les vantardises sexuelles des hommes à propos d'une beauté qui n'existe pas. Mais soudain, sa création lui échappe : que faire lorsque les mots conservés dans un fichier prennent vie dans la réalité ? Pénélope apparaît, sous les traits d'Anna, et accomplit immédiatement, dans les moindres détails, tout ce Tom vient de saisir cinq minutes plus tôt sur son clavier. Déboussolé, l'écrivain va pousser l'expérience jusque dans ses ultimes limites. « Il y a toujours qu'un seul meurtre dans les histoires de Tom »

Fantastique, complot, folie ? Toutes les hypothèses se succèdent au fil d'une lecture intrigante qui s'offre un petit air des Vacances d'Hercule Poirot. Les petites cellules grises sont mises à contribution pour suivre cet impossible huis-clos tout de faux semblants sur une île paradisiaque. Il s'avère cependant dommage que la véritable clé de l'affaire soit donnée aussi facilement à la fin sans entretenir le doute qui maintiendrait l'histoire dans cette ambiance étrange et nostalgique. Le parti pris graphique d'une atmosphère achromatique surprend et, à certains points de vue, peut paraître regrettable pour illustrer les paysages des Cyclades. Pourtant, l'ambiance s'impose naturellement, calme et lumineuse et c'est l'irruption de la couleur qui devient incongrue, violente, comme pour souligner la brutalité de l'instant où la vie de Tom Katz bascule.

Un polar subtil, qui en ce déprimant printemps pluvieux, propose une invitation aux vacances. À lire et à relire, avec autant de plaisir qu'un bon vieil Agatha Christie.