« Il était une fois en Hyperborée, un prince qui chaque fois qu'il mangeait ou buvait ressortait de sa bouche un petit caillou rond. Un jour, lorsqu'il en eut assez, il cessa de se nourrir et ainsi débuta l'histoire de l'homme immortel. Le prince devint roi et vit peu à peu mourir ses proches. Mille ans plus tard, l'homme sans nom devenu roi sans sujet décide de se rendre au Mont Olympe questionner les Dieux sur l'énigme qu'il représentait pour lui-même et les autres. »
Ainsi, au seuil de la ville d'Abdère, le satyre Marsyas contait sa propre histoire au roi millénaire. Celui-ci venait de quitter Hyperborée sous un masque de cerf et de traverser montagnes et déserts pour arriver dans une ville abandonnée, repaire de la Sphinge Philae. Gardienne de la clé de la porte qui rejoint le pays des hommes, des héros et des dieux, elle n'a jamais laissé passer une viande sur pattes sans lui avoir posé une énigme. Après avoir réussi l'épreuve et franchi la passerelle entre les mondes, c'est dans un territoire en guerre que l'Hyperboréen arrive, une civilisation décadente qui vit sur les vestiges de son apogée, un préliminaire au chaos, lorsque les nouvelles idoles détruisent les anciennes, où les créatures mythiques errent à l'abandon, où les monarques antagonistes traquent le vagabond millénaire pour s'approprier son immense pouvoir sous le regard amusé du panthéon qui s'immisce en jetant sur ses pas des embûches ou une aide précieuse. Ne serait-il pas un pion dans le jeu des Olympiens ? La réponse se cache peut-être dans le titre : Adrastée, l'Inévitable, le châtiment divin auquel le coupable ne peut échapper...
L'année 2012 avait produit une œuvre remarquable en matière de BD mythologique avec Héraklès, 2013 ne sera pas en reste avec ce magnifique diptyque qui appelle naturellement la comparaison avec son prédécesseur. D'abord sur le thème bien documenté de la Grèce antique, mais aussi par son dessin : trait secs à la plume et colorisation ton sur ton en fausse monochromie. Là où Héraklès jouait sur l'humour, Adrastée est un rêve poétique. Le graphisme somptueux teinté de vert, de jaune et de rouge carmin transporte le lecteur dans une antiquité nostalgique, aux décors vertigineux mais proches de la ruine. Chaque case est la miniature d'un paysage riche en détails et en virtuosités architecturales au détour duquel se promènent, mêlés à la population humaine, héros et bêtes légendaires comme les Ménades, Hercule, le cyclope Polyphème. Les pages sont si belles qu'il sera difficile pour l'amateur d'originaux de résister au désir de les découper pour les plaquer sous verre.
Le conte se fait peu à peu réflexion existentielle sur l'humain et sa place dans l'univers, à travers la mise en abyme du personnage principal, héros d'un conte dans le conte, qui doit faire face aux récits sur sa vie que sa mémoire dévorée par le temps a du mal à corroborer. En fin de volume, un lexique graphique bienvenu replace les protagonistes dans leur contexte historique.
Jeune auteur complet de 26 ans, Mathieu Bablet quitte un instant le post-apocalyptique de ses débuts pour entraîner son lectorat dans son « rêve de gosse ». Il est délicat de conclure sur ce premier volume aux planches éblouissantes de beauté et de maîtrise, à moins qu'un seul mot suffise : magnifique.
Le dessin composant ce conte mythologique est absolument merveilleux notamment en ce qui concerne les décors. L'auteur réussi à nous imposer un univers graphique particulier et qui tend vers l'onirique. C'est une réussite à ce niveau.
En ce qui concerne le scénario, je serai un peu moins élogieux. Il y a de bonnes questions métaphysiques mais pas forcément de bonnes réponses (ou pas de réponses du tout). Le récit m'est apparu très linéaire et souvent en manque d'action. La poésie et la nostalgie dominent en maître. On suivra surtout les tourments de l'esprit du personnage principal: un prince millénaire. La fin laissera un goût amer.
dessin scenario couleur mise en page perspective pas mal ,désole de ne pas m'étale sur ce que je vient de dire mais c un dessin sur la couleur terne est pas mal et l'histoire , on ce doute pas de la fin ,voila a voir et a comprendre soi même
Quelle magnifique découverte que cet auteur !! Quel univers graphique superbe, onirique, coloré !!
Cette BD est l’œuvre d’un jeune auteur très prometteur. Il faut d’abord souligner la taille plus réduite du format par rapport au A4 : 27*20. Un compromis économique, je suppose. C’est dommages car l’impact graphique aurait gagné en ampleur. Le découpage des planches en cases est relativement simplifié et linéaire, mais avec une dominante des bandes horizontales. Le nombre réduit de cases offre ainsi proportionnellement une place plus grande au dessin et à la dimension graphique (conséquence du petit format ?). Il faut aussi s’émerveiller des nombreuses perspectives sur les paysages, les constructions qui sont assez remarquables. Le jeu des couleurs vaut lui aussi son pesant d’or : tantôt à dominante froide, grise, bleue, verte, tantôt à dominante chaude, rouge, orange, jaune. L’ambiance des couleurs semble s’adapter à la situation du moment. Les dessins comportent une richesse de détails, qui ne semble pas être adaptée pour un format réduit.
Au niveau du scénario, ceci n’est que la première partie d’un diptyque. Le jugement définitif ne pourra se faire qu’avec le second tome. Cependant, le lecteur se laisse emmener par la quête du personnage principal. Ainsi, un ancien roi d’Hyperborée attend sur son trône de pierre depuis 1000 ans. Celui-ci est immortel : il a survécu à son peuple depuis longtemps disparu, à sa femme et à son fils. Il ne sait pas la raison de son état. Il part donc en quête de réponses. Sur le chemin, il semble que les Dieux prennent partie pour ou contre lui. On en profite pour découvrir des personnages de la mythologie grecque. L’intrigue est somme toute assez linéaire : cette BD est d’abord un découpage en séquences graphiques nous plongeant dans cette quête. Il faut souligner une certaine dimension philosophique.
L’univers graphique de Mathieu Bablet est hors du commun. Et je suivrai à coup sûr la suite de son œuvre.