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aku Ryûmon a choisi de vivre à l'écart de la société. Oh, pas loin, juste un peu en retrait afin de pouvoir jouir de la nature et chasser en compagnie de son chien, Joe. Pour subvenir à ses besoins, il est devenu détective privé spécialisé dans la recherche d'animaux disparus ou volés. Une vie saine qui serait presque pépère sans le harcèlement continuel de développeurs immobiliers véreux qui aimeraient bien le déloger de sa terre.
Dans la postface, Jirô Taniguchi écrit que le projet d'adapter en images les romans d'Itsura Inami trottait dans sa tête depuis très longtemps. À la lecture de Chien d'aveugle, le lecteur comprend immédiatement pourquoi. En effet, le récit semble avoir été spécialement écrit pour le créateur de Quartier Lointain. Le héros solitaire, bourru au cœur d'or rappelle les alpinistes du Sommet des dieux et du Sauveteur. Le chien, l'ami fidèle, est aussi un acteur récurrent dans l’œuvre de l'auteur (Blanco, Le journal de mon père, Terre de rêves). Enfin, la nature, sanctuaire éloigné des villes où l'âme se révèle et s'épanouit, a également déjà été abordée à plusieurs reprises, par exemple dans La montagne magique ou L'homme de la toundra. Les différentes enquêtes du limier qui composent l'opus ne sont, en fin de compte, quasiment que des prétextes pour développer ces idées dans le cadre du Japon contemporain.
La thématique générale est donc connue, presque habituelle. Plus originales, les considérations autour de la chose canine (particulièrement les chiens d'aveugle), la chasse et les tribulations de Ryûmon avec les yakusas (montrés d'une manière réaliste bien éloignée des clichés habituels) rendent la narration très intéressante malgré quelques passages marqués par un ton didactique pesant. Graphiquement, pas de surprise non plus : Tanigichi tient parfaitement sa barque. Le style à mi-chemin entre manga et BD européenne développé par le dessinateur continue de séduire. Comme toujours, le trait allie finesse et précision et offre une lisibilité remarquable.
Ouvrage classique et bien pensant, Les enquêtes du limier s'ajoute harmonieusement à la longue bibliographie du maître de Tottori.
Je suis actuellement très sensible au sujet qui touche la relation entre l’homme et le chien. Cet animal de compagnie est parfois assez surprenant dans ce qu’il peut nous apporter dans notre quotidien. Il est vrai que c’est une véritable relation d’amour.
Notre héros est un détective qui se charge de retrouver les grands chiens de chasse qui se sont malheureusement égarés en forêt montagneuse. C’est un service qu’il rend aux propriétaires de ces bêtes moyennant finance. Par contre, il refuse de vous retrouver le petit chien de compagnie car cela ne l’intéresse pas. Il faut dire qu’il peut se le permettre tant le nombre de chiens égarés dans ce secteur du Japon est impressionnant. Cela le fait vivre, certes pas confortablement car il ne possède pas de magnétophone ce qui peut apparaître comme un comble pour un détective mais le client paye royalement les frais professionnels.
Tout ceci pour dire qu’il fera tout de même une petite exception afin de retrouver le chien d’une jeune fille aveugle qui sombre dans la dépression depuis sa disparition. Cela sera l’occasion pour nous de découvrir l’apprentissage de ces labradors bien braves par des associations et des éleveurs qualifiés. A noter également une proportion non négligeable de yakuzas dans ces coins les plus reculés de la nature. Il y a certainement de la matière pour eux afin de s’oxygéner un peu.
Oui, il faudra passer sur beaucoup de choses pour apprécier cette œuvre de Taniguchi mais comme dit, l’amour des bêtes balaye tout sur son passage.
Du grand Taniguchi, où l'intrigue policière n'est que prétexte à des rencontres humaines qui secrètent beaucoup d'émotion. Dessin parfait pour un manga noir et blanc, car très expressif et très lisible.
Une très bonne lecture.