Nicodémus Red 1. Les Dragons d'Hillrude

D 'un mouvement gracieux, guetté par des millions de paires d'yeux, la délicate main gantée de l'impératrice lâche dans le vent un mouchoir brodé, signal d'une folle ruée vers le Nord pour des vaisseaux marins et volants défiant l'imagination. Une extraordinaire chasse au dragon, créature chimérique disparue depuis des siècles, c'est ce que le gouvernement d'Amériland a trouvé comme dérivatif médiatique à la pire crise jamais connue. À défaut de pain, le peuple a besoin de jeux pour rêver et plus encore, il lui faut un héros. Dans ce but, le bourgmestre des quartiers pauvres de Londonsburg embauche Nicodémus Red, chasseur renommé de crapules mécaniques dans les bas-fonds de la cité. Il embarque donc à bord d'un risible sous-marin, financé par les impôts des miséreux, pour affronter dans une quête économiquement absurde tout ce que le continent compte de grosses fortunes extravagantes et de scientifiques hurluberlus. De l'autre côté de la mer, au milieu des glaces, les habitants d'Hillrude attendent avec inquiétude ces envahisseurs venus réveiller les monstres endormis et briser le fragile équilibre de la paix.

Publié à un mois d'intervalle avec une série similaire (Le voyage Extraordinaire), Nicodémus Red parvient à esquiver l'effet de saturation. Après un démarrage très classique, le charme opère au fil des pages avec la découverte d'un monde composite, fusion anachronique du steampunk Belle Époque et du médiéval-fantastique viking. Si l'Empire d'Amériland est un amalgame fantasmé de l'Europe et des États-unis du XIXème siècle, Hillrude semble tout droit sorti du Crépuscule des Dieux, avec ses lieux, ses costumes, ses armes primitives et ses créatures. Seul un détail dénote : l'apparition, au milieu des glaces d'une technologie sans avenir, de l'électricité. Crisse et Mana prennent tous les clichés, poncifs et archétypes des deux genres pour en faire une ambiance attractive. Rechercher tous les clins d’œil devient un jeu plaisant, à travers les décors et objets (machines vapeur, dirigeables, merveilles technologiques, armes), les figures historiques et fictives qui s'incarnent dans des concurrents dignes des fiches PNJ (personnages non joueurs) d'un jeu de rôle : Wild Bill (Buffalo Bill), la fielleuse comtesse Petrovna (Marlène Dietrich dans l'Impératrice Rouge, archétype de l'espionne russe), le baron Noir ( l'officier germanique cruel), comme dans le public (l'empereur François-Joseph). Reprenant les traits de Crisse avec des seconds rôles qui rappellent l’œuvre de ce dernier (Luuna, Atalante...) le dessin et la colorisation flamboyante de Mana accompagne avec entrain cette escapade rythmée.

Loin d'être un simple tome introductif, ce premier volume est un véritable appel à l'aventure et au rêve. Une bonne pioche pour les amateurs.