C
inder et Ashe viennent de résoudre une mission. De retour chez eux, ils en acceptent une nouvelle : retrouver la fille d’un fermier qui a été enlevée. Cette catastrophe fait suite à une longue liste d’incidents – bétail empoisonné, fournisseur et banquier qui ne font plus crédit, passage à tabac – qui plonge le pauvre homme dans le désespoir. Quelqu’un lui en veut, mais il ne sait pas qui ni pourquoi. La course contre la montre va prendre une tournure très personnelle lorsqu’un fantôme surgi du passé menace la vie des deux détectives et rouvre des plaies profondes.
Cinder & Ashe est un concentré de polar noir. Le contexte est dur et sans concession : magouilles politiques et mafieuses, prostitution, viols, meurtres et autres sévices se succèdent. Gerry Conway, le scénariste, ne tombe toutefois jamais dans la complaisance. Comme bien souvent dans ce genre d’histoires, ce qui pourrait vite ressembler à une litanie convenue d’évènements glauques et malsains, prend une toute autre épaisseur grâce à la définition des personnages. Ici, la narration va entrecouper l’enquête par des flashbacks. Ainsi, le lecteur découvre progressivement l’origine de la relation du couple de privés et les traumatismes qui conditionnent leur vie. Ces retours en arrière sont toujours bien amenés, tels des échos aux péripéties du présent, ne rompant jamais le rythme de l’aventure, créant ainsi une osmose entre les époques jusqu’à ce qu’elles se confondent. L’autre point remarquable se situe au niveau du lien qui unit Cinder et Ashe. Sa construction est habile, pleine de subtilité et, finalement, très juste.
L’excellence de la dramaturgie trouve son pendant à travers le graphisme de José Luis Garcia-Lopez. Derrière un abord classique, il se révèle totalement moderne : pas besoin d’esbroufe pour offrir dynamisme, fluidité et scènes chocs. Le soin apporté aux protagonistes doit être souligné. Le rendu élégant et efficace fait oublier les couleurs flashy et participe pleinement à rendre la lecture prenante. Bonne idée des éditions Delcourt de publier cette pépite signée DC Comics en 1988.
La préface est franchement bien écrite et donne envie alors que la couverture avait plutôt un effet dissuasif. J’ai trouvé que la narration introspective apportait à l’œuvre une certaine maturité.
Cependant, c’est desservi par un dessin et une mise en couleur de piètre qualité. Bref, je n’ai pas du tout adhéré au graphisme qui ne permet pas de ressentir les émotions traversées par les trois principaux personnages et notamment l’héroïne qui fut victime d’un viol au Viêt-Nam. L’émotion a bien du mal à passer.
Du coup, on se dit que cette vieillerie sortie des années 80 par les éditions Delcourt afin de compléter leur catalogue passe un peu inaperçue. Les flash-back sont omniprésents ce qui rend la lecture assez difficile dans l’ensemble.