L
a forêt suit la Loi de la Nature, sauf lorsque la Grande Boueuse vient lui imposer son autorité. Angleterre, 1865, un fiacre file à grand train à travers les bois, conduisant Monsieur Ombrage, le nouveau régisseur, vers son futur domaine à administrer. Au même moment, une délégation de crapauds obsessionnels du baiser se met en marche, en quête d'une princesse. Tous convergent (et se croisent, voire s'écrasent) vers un même lieu : Wistéria Grow, un havre de paix qui échappe à la loi de la forêt. Ici vivent Anna et sa mère, la riche veuve Parmington. Blondinette aux grands yeux bleus, Anna est la cible des crapauds alors que sa mère (et sa fortune) excite la convoitise du nouvel arrivant. La nuit tombe, les batraciens enlèvent et dépècent Rose, la poupée de cire, pour semer ses morceaux en un lugubre chemin que la fillette va suivre jusqu'à s'enfoncer dans les bois et y découvrir le secret de sa naissance.
La première chose qui frappe dans cette bande dessinée, c'est son graphisme, un trait épais et soigné façon gravure sur bois qui compose un foisonnant bestiaire, étonnant mélange des monstres bibliques de Jérôme Bosch et des créatures plus modernes cousines de celles issues de l'encyclopédie du Monde de Troy ou des animes d'Hayao Miyasaki (Princesse Mononoke, Voyage de Chihiro). Une ambiance fantasmagorique qui mixe horreur et humour. Chaque apparition de ces anti-Garulfo libidineux génère une savoureuse séquence drolatique qui arrache systématiquement un sourire et le désir de les revoir au plus vite.
A contrario, d'autres bestioles moins esthétiques se terrent dans l'ombre des cases : yeux inquiétants, peaux ridées et flasques, éléments boueux, gluants et glauques. Démarrant comme un conte pour enfant sage, Dans la Forêt plonge dans un fantastique qui exploite une mythologie syncrétique : la femme stérile qui fait un pacte avec le démon, le dieu Cornu, l'enfant-loup, Lilith, les kodama... Mythes bibliques, celtiques, asiatiques, contes populaires sont brassés avec brio... Un bémol toutefois qui se traduit par une pointe de regret : le personnage d'Ombrage fait une entrée fracassante avec l'apparat du méchant de l'histoire pour ne plus être exploité par la suite.
Cerise sur le gâteau, une belle surprise attend le lecteur en fin de volume : un copieux carnet de cryptozoologie apporte un éclairage sur les créatures et impose une seconde lecture pour mieux apprécier la richesse de cette faune imaginaire.
Riche et déroutant, ce superbe one-shot poético-gothique de Lionel Richerand a tout d'un beau livre qui ravira autant le public adolescent que les adultes.
Dans la forêt, il peut s’en passer des choses même si elle n’est pas profonde et mystérieuse. C’est un conte qui fait appel à une imagerie très détaillée qui donne du style à l’ensemble. L’enchainement des cases est parfaitement réussi pour entrer par exemple dans ce monde imaginaire lorsqu’on pénètre dans la forêt.
Au niveau du scénario, c’est tout de même un peu léger. J’ai l’impression que le poids des images a plus d’impact que le reste. C’est une œuvre assez visuelle avec un bestiaire certes assez intéressant. Pour le reste, je n’ai pas été plus en symbiose que cela. La fin de ce récit m’a un peu surpris même si elle se comprend.