M
artin a toujours exercé une forme de fascination sur Thomas. Dès l’enfance, la colère qui habite le premier hypnotise le second. Beaucoup auraient fui, lui est resté, tout du moins un certain temps. Après l’enfance est venue l’adolescence, marquée par la période punk. Si Thomas l’a vécue comme une sorte de plaisir grisant consistant à toucher du doigt certaines limites, l’engagement de Martin dans cette brèche vers une forme de liberté est total. Deux trajectoires, l’une assez classique, l’autre littéralement en marge, vont se croiser et se perdre.
Et soudain, le passé frappe à la porte ; magnifique, bien évidement. Comme un fait exprès, il s’invite chez vous alors que vous êtes en pleine crise, que vous vous persuadez que votre présent ne vaut pas la peine d’être vécu. C’est sur cette idée que Nicolas Wouters, le scénariste, lance son histoire qui va prendre la tournure d’une longue errance - entrecoupée de flashbacks -, le temps d’une nuit pour Thomas, d’une vie pour Martin. Ce récit repose sur ces parcours qui ne se ressemblent pas, mais qui s’attirent : Martin est lancé tête baissée dans une ligne droite irréfléchie et enragée, tandis que Thomas louvoie entre raison et insatisfaction sans savoir ce qu’il cherche.
Ce qui lie les deux hommes, comme ce qui les éloigne, est amené avec ce qu’il faut de complexité pour rendre la lecture plaisante. Cette incertitude constante de ce qui va suivre est portée par le dessin de Mikaël Ross. Ce dernier parvient, à travers son trait nerveux, à faire passer la violence terrifiante de l’un et l’insouciance timorée de l’autre. Avec sa mise en couleur au lavis, notamment en explorant les différentes gammes de bleu et de rouge, il donne vie à ses planches, parvient à signifier les tensions et à restituer la température des différentes séquences. L’ouverture dans l‘appartement des parents de Martin donne le ton en la matière : l’appréhension de Thomas avant de pénétrer dans l’antre du monstre, sa soumission aux jeux de celui qu’il admire, jusqu’à l’effarement face au pétage de plomb qui sera le point culminant de la scène, sont autant de passages qui possèdent une atmosphère qui leur est propre. Les quelques pogos qui suivront seront à l’avenant, les cases se brisant les unes contre les autres, quand d’autres instants seront plus contemplatifs, se perdant dans les profondeurs du décor.
Condensé explosif d’énergie et de mal-être, Les pieds dans le béton s’apparente à une double interprétation de l’hymne Bérurier Vivre libre ou mourir : l’une étant vécue, l’autre fantasmée.
un point pour le dessin léché et incroyable, un récit insipide et gratuit. La narration décousu nuit à la compréhension de certaines de cases, une philosophie bien pensante servie par une myriade de clichées.