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urant les années soixante-dix, la commune de Plogoff (Finistère) a été, avec Fessenheim et Creys-Malville, synonyme du combat antinucléaire. En effet, dès l'annonce de l'implantation d'une centrale nucléaire, les habitants ont opposé une résistance de tous les instants contre ce projet imposé par Paris. Ce choc inégal, entre simples individus et la raison d'État, reste à ce jour un des grands moments de la lutte citoyenne.
Delphine Le Lay et Alexis Horellou (Le souffle court) s'essayent à la chronique au long cours dans Plogoff. Malgré une atmosphère journalistique au premier abord, le récit se révèle très rapidement militant. En effet, quasiment seul le point de vue des Plogoffistes « résistants » a le droit à la parole, alors que les rares voix discordantes sont très peu entendues. Résultat, l'opus est plutôt à ranger avec les documentaires à charge qu'à côté des reportages d'information. Passé outre ce petit travers, la lecture est captivante pour peu qu'on s'intéresse à cette problématique.
L'album, à l'image de Rural! d'Étienne Davodeau, se concentre sur l'humain. L'emphase est particulièrement mise sur des personnes que rien ne prédisposait à devenir de véritables combattants. Au-delà des moments « chocs » lors des affrontements avec les CRS, les auteurs décryptent avec minutie la naissance et l'évolution de la prise de conscience d'une communauté : réunions sans fin, échanges, frustrations, moments de doute et d'attente, colère et, finalement, la victoire avec l'abandon définitif du projet. Le lecteur partage tous les états d'âmes des protagonistes et profite même de l'air vivifiant de la côte.
Petit moment d'histoire contemporaine minutieusement raconté, Plogoff réveillera sans aucun doute la fibre revendicatrice des bédéphiles.
À noter, pour les plus curieux, Village toxique dans lequel Grégory et Jarry Otto T racontent à peu près la même croisade, malgré une époque et un contexte différent.
Quels sont les évènements relatés dans cette bd ? Il s’agit de l’affaire de Plogoff une charmante petite commune située en Bretagne au bord de la mer à l’extrémité de la pointe du raz. L'affaire de Plogoff désigne le projet d'installation d'une bonne centrale nucléaire sur cette commune. Ce projet va entrainer la mobilisation de toute une population entre 1975 et 1981. Les manifestations ont abouti finalement à son abandon.
En effet, en mai 1981, François Mitterrand est élu président de la république et le nouveau gouvernement socialiste décide l'abandon du projet. C’est notamment grâce à cet homme providentiel que les habitants de ce charmant village d’irrésistible breton ont mis fin à l’occupation des forces impériales de l’ordre giscardien. N’oublions pas que ce dernier avait déclaré en 1978 qu’aucune centrale ne serait construite sans l’accord des habitants : un mensonge de plus de la part de nos gouvernants.
Le dessin ne brillera pas par sa beauté graphique du fait d’un très simple et de l’absence de couleurs. Ce n’est pas là où l’accent a été mis dans ce documentaire. J’aurais sans doute aimé plus de neutralité journalistique. La maîtrise de l’énergie nucléaire permettra sans doute à l’homme de conquérir un jour l’espace. Non, nous avons droit juste à une opposition systématique sans explication, sans donner la parole à ceux qui souhaitent fournir de l’électricité à la plus grande partie de la population. On agite les peurs d’un big one en Bretagne et d’un raz de marée engloutissant une centrale nucléaire à l’image de ce qui s’est produit au Japon à Fukushima. Le fait de penser qu’un avion pourrait percuter un tel édifice est également un anachronisme au milieu de ces insouciantes années 70.
Maintenant, ce qui me plaît, c’est quand un peuple dit non. Il faut respecter sa parole et non imposer le projet sous d’autres formes plus pernicieuses. On se souvient tous du déni de démocratie en contraignant la France à s'intégrer à l'Europe en 2006 au traité de Lisbonne malgré le non massif au référendum. C’est l’exemple qui m’est venu à l’esprit au moment où la Grèce a dit non. Bref, l’objet de cette bd militante est de démontrer comment une mobilisation populaire pouvait venir à bout d’un projet imposé à coup d’hélicoptères de l’armée et de véhicules blindés. C’est clair qu’il fallait bien cela contre la bretonne et l’orphelin car ils sont coriaces ces gens-là.
Autre chose de juste : la dérision des enquêtes d’utilité publique qui ne sont en fait qu’un leurre aboutissant toujours au même résultat. On sent bien qu’il y a tout un semblant de démocratie. C’est une réflexion bien juste dont j’ai personnellement fais les frais très récemment. Tout peut se construire à côté de chez soi. Le nucléaire s’est développé en France contre l’approbation des populations car l’objectif était l’indépendance énergétique du pays après la crise pétrolière de 1973. La raison d’état contre de simples individus.
Plogoff, c’est une bataille féroce gagnée par le peuple soucieux de son environnement. Cela force l’admiration. Une bd reportage qui nous restitue l’ambiance de cette époque.
Beaux dessins, bon scénario, une histoire qui transporte dans l'Histoire...pour les amoureux de la bd mais pas que...à lire absolument !
Une BD politique, avec de beaux dessins, voilà ce qui fait aimer la BD. J'en attends d'autres avec impatience.