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n quelques minutes, le 10 mars 1906, une déflagration d’une violence inouïe dévasta cent dix kilomètres de galeries dans les profondeurs du bassin houiller du Nord. Le coup de poussière de Courrières fera officiellement 1099 morts et reste aujourd’hui l’une des catastrophes industrielles les plus meurtrières d’Europe.
Plus d’un siècle après, Jean-Luc Loyer revient sur cette tragédie qui, lentement, disparaît de la mémoire collective. Sans véritablement prendre partie, tel un journaliste, il se concentre sur l’objectivité des faits et rend compte des heures qui précédèrent l’accident et des journées qui la suivirent. Tout d’abord, le scénario détaille la chronologie de ce début d’année, afin d’appréhender le contexte social, politique et industriel dans lequel s’inscrit ce drame. Car il ne faut pas oublier qu’à cette époque, le charbon est le fer de lance de l’économie nationale et la principale source d’énergie puisque le pétrole et l’électricité n’en sont qu’à leurs prémices et que l’atome demeure confiné au sein des laboratoires. Après un détour par le coron, le récit plonge résolument vers le centre de la Terre, là où le grisou tua, brûla et écrasa. Puis, les débris toujours fumants, il s’attache à décrire tour à tour la confusion, l’horreur, le cynisme, le mercantilisme, la rage, la révolte, la détresse mais aussi le courage, la générosité et l’abnégation de ceux restés en surface. Enfin, il s’enfonce de nouveau dans les tréfonds du sous-sol pour revenir sur l’odyssée macabre de treize hommes qui menèrent le combat d’une vie, contre l’obscurité, le froid, la peur, la désolation et la mort. Pendant près de vingt jours, ils errèrent au milieu d’une mine dévastée, buvant leur urine et mâchant le cuir de leur ceinture, afin de survivre et avoir le droit d’espérer.
Conditions de travail, gestes du quotidien, lutte d’influence entre syndicalistes de la vieille école et anarchistes radicaux, joutes oratoires de Jaurès et Clemenceau à l’Assemblée Nationale, dépendance économique d’un pays à l’égard de la houille, informations et manipulation des foules, Jean-Luc Loyer ne s’arrête pas à la seule dramaturgie de l’explosion. Il en analyse ses tenants et aboutissants et explique pourquoi cette grève qui menaçait de s’étendre à l’ensemble des mineurs français ne sera, finalement, pas à la mesure des espoirs mis en elle.
La puissance émotionnelle d’un tel évènement, demande un graphisme à l’unisson et Jean-Luc Loyer réussit là une bien curieuse alchimie. Car si le choix du noir et blanc s’imposait de lui-même, le recours à un dessin semi réaliste, rempli d’une certaine naïveté ne semblait pas aller de soi. Toutefois, force est de reconnaître que le trait sait se faire grave quant-il le faut tout en jouant sur un large registre d’expressions qui viennent adoucir l’âpreté du propos. Il en est de même de ces divines ellipses qui, par le biais d’un découpage subtil de la verticalité, ouvrent (ou referment) l’espace et dilatent le temps.
Sang Noir, à l’instar du Printemps à Tchernobyl d’Emmanuel Lepage, des Ignorants d’Etienne Davodeau ou de Saison brune de Philippe Squarzoni, est de ces albums qui donnent une autre perception du monde. Superbe !
Après avoir lu LIP (des héros ordinaires), j’enchaîne avec sang noir. Le problème reste toujours le même : un capitalisme qui se soucie peu des travailleurs. En l’occurrence, cela va provoquer la mort de près d’un millier de mineurs dans des conditions épouvantables. Tant que la finance gouvernera, les "valeurs de la République" resteront un leurre diront certains. Nous avons également un gouvernement sous un président de gauche n’hésitant pas à faire sonner la troupe contre les ouvriers en grève.
J’ai beaucoup mieux aimé cet ouvrage que Lip. Là encore, j’ignorais tout de l’histoire de la tragédie de Courrière en 1906. J’ai bien aimé la présentation du contexte dans lequel va se dérouler cette catastrophe. 1099 mineurs ont trouvé la mort dont 242 enfants. Il faut dire que les enfants étaient embauchés dès 12 ans.
Il y a un passage que je n’ai pas trop compris car on suit le parcours d’un enfant accompagné d’un homme qui le prend sous son aile popur lui enseigner l’art de la mine. On retrouvera sa montre qu’on amènera à sa veuve avec une inscription qui ne laisse plus de place au doute quant à son sort. Puis, plus tard, il semblerait que cet homme ait survécu avec l’enfant qu’il ramènera à son père mais on n’assistera pas aux retrouvailles avec la soi-disante veuve. Bref, s’agit-il des mêmes protagonistes ? Cela ne semble pas évident. L’auteur a volontairement évité de personnaliser pour éviter les charges émotionnelles. Certes mais j’aurais aimé plus de clarté.
Passé cette réserve, cet ouvrage est excellent. Il est bien documenté. Le sujet est parfaitement traité et on verra également toutes les conséquences de ce drame collectif. La jonction entre le sujet et la qualité du dessin en noir et blanc, de l'histoire, des dialogues et de l'intéressant documentaire est parfaite.
Récit quasiment journalistique en dessin d'une catastrophe presque oubliée dans les mines du nord. Certes le récit de la tragédie se suffit à lui-même pour susciter l'émotion, mais la narration est pourtant étrangement froide, à l'image des décors, dans le souci de se rapprocher de la vérité.
C'est le mérite et la limite de cette histoire, rappeler les souffrances qui ont ponctués l'évolution industrielle dans le respect de la vérité historique, mais cela manque du coup un peu de romance et on aimerait en savoir plus sur les destins individuels.
Reste un témoignage bien venu.
3 votes et 60% au 15/03/2013...3 votes et pas d'avis !! Comment est-il possible de donner une telle cote sans exprimer le pourquoi, ne fusse qu'un seul des votants ????!!!!!!
LA-MEN-TA-BLE !!!
Je rejoins totalement le chroniqueur de BDGest : le dessin, en noir et blanc (OBLIGATOIRE pour cette histoire) et semi-réaliste permet de ne pas verser dans le larmoyant caricatural.
Je dis donc : mission accomplie de JL Loyer, dessinateur que je découvre et, avis perso, digne d'un Davodeau, maître du genre "rélistico-docu-vécu".
C'est donc sans aucun état d'âme qu'après lecture je puis affirmer : comme souvent, très souvent même, Futuropolis nous offre là encore une BD digne de ce nom, hors "système", hors "modesssss"...: actu, que voyons nous : Pleins de Vikings, plein de Celtes, plein d'avion 14-18 40-45 modernes, de guerres 14-18 40-45, d'Uchronies etc, etc...Bref, tout le monde surfe sur la mode lancée par le 1er éditeur venu qui connaît un succès !! Lamentable dans la mesure où la BD ne devient plus que, comme toute notre foutue société qui part en tripette et pour laquelle je ne subodore qu'un désastre final (vive l'Europe !!), un buzzzinnesss.
Mais de rares Editeurs arrivent à nous faire partager des lectures d'un intérêt plus que certain et de QUA-LI-TE !!!! Futuropolis est de ceux là, et pour ceux qui "supportent" la lecture de mes "avis" savent que j' n'y travaille pas !!!
Lisez bonnes gens, lisez cette BD ! Pas intello "à la con", mais vachement...A lire !!!