D
ans sa préface, Stéphane Steeman, célèbre humoriste et grand spécialiste du sujet, indique qu'Un oncle nommé Hergé serait le cent quatre-vingt-dixième ouvrage à propos du créateur de Tintin. L'intérêt de cet énième volume tient à la personnalité de son auteur : Georges Remi Junior est le neveu et filleul homonyme du grand maître de la ligne claire. Riche de cette situation familiale unique, il propose un portrait croisé de son oncle célèbre, de son père – Paul Remi – et de quelques autres en utilisant sa propre trajectoire comme fil conducteur.
L'histoire des Remi peut se lire comme une suite d'incompréhensions et de tensions générationnelles. Georges et Paul, les deux frères, ont grandi dans un monde strict où les convenances étaient la règle absolue. Aussi différents qu'ils peuvent l'être l'un de l'autre, l'un est artiste, l'autre militaire de carrière, les apparences et l'honneur du nom doivent rester au-dessus de tous soupçons. Même si on ne s’apprécie guère sur le fond, on s'entraide – Hergé ouvre régulièrement sa bourse pour dépanner ce frère major un peu panier percé – et on se respecte. Comme beaucoup de leur génération, ils sont rattrapés par leur époque, la modernité et les changements dans les conventions sociales les frappent chacun leur tour. Paul, caricature de l'officier à l'ancienne, est mis au placard après l'indépendance du Congo et les problèmes existentiels de Georges (dépression, divorce) sont bien connus. Georges Jr, baby-boomer élevé dans la pop-culture des années soixante, côtoie et affronte ces adultes guindés et poussiéreux. Il faudra attendre la fin des années soixante-dix pour qu'une vraie relation s'établisse enfin entre le neveu et son oncle, celle-ci restera néanmoins fragile tant leurs caractères sont dissemblables.
Les spécialistes n'apprendront sans doute rien de très nouveau sur Hergé. Les biographies déjà existantes (particulièrement Hergé de Pierre Assouline et Hergé, fils de Tintin, de Benoît Peeters) ont déjà bien décrit la nature du natif d'Etterbeek. L'homme est strict, distant, froid par moments et peut même se révéler impitoyable quand il s'agit d'Art. Georges Jr, devenu un peintre reconnu depuis, l'a appris à ses dépends quand, timidement, il était allé demander l'avis de son illustre parent à propos de ses premières toiles.
La dernière partie du livre narre, avec beaucoup de rancœur et une affection réelle de l'auteur pour Tintin, les choix discutables de Fanny Vlamynck, la seconde épouse d'Hergé, lors de la succession de celui-ci. Écarté de toutes les discussions, le narrateur ne peut que déplorer la direction purement mercantile que la Fondation Hergé et Moulinsart ont pris sous la férule de Nick Rodwell, homme d'affaires brillant, sans scrupule, mais totalement ignorant de l'esprit du héros à la houppe.
Agréable à lire et offrant un point de vue nouveau, Un oncle nommé Hergé apporte sa pierre à l'immense appareil critique hergéen.
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