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lijah Twain, capitaine de la Loreleï, un vapeur arpentant l’Hudson River de New-York à Albany en cette fin de XIXème siècle, est bien embarrassé quand il découvre, accrochée au bastingage du pont inférieur, une sirène blessée d’un coup de harpon. Patiemment, il va soigner l’étrange créature cachée dans sa cabine. Lentement, une singulière affection va naitre entre eux. Mais les enchantements de ces créatures fabuleuses sont choses dangereuses pour un simple mortel. Ce que semble avoir découvert à ses dépens Lafayette, le fantasque armateur de la compagnie vivant sur le bateau, asservi au fleuve par un mystérieux lien secret. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’un des moyens de briser le maléfice du chant mélodieux des sirènes est d’entretenir simultanément sept liaisons amoureuses ? Parce que le gaillard a beau être français, ce déploiement frénétique de séduction, ces assauts tous azimuts de galanterie, une telle prodigalité licencieuse a forcément des ressorts occultes, n’est-ce pas ? La preuve en est cette énigmatique correspondance que le libertin entretient avec le non moins énigmatique C.G. Beaverton, le célèbre auteur spécialiste des légendes et des sortilèges. Quand celui-ci s’invite à bord, tout est réuni pour une traversée des plus improbables…
Initialement publié par épisodes sous forme de blog, ce roman graphique adopte une structure narrative rappelant les feuilletonistes de ces années 1880, un parti pris assurément adapté au ton de l’intrigue, entre fantastique et romantisme. En résulte cependant une relative inconstance dans le rythme pénalisant quelque peu la fluidité du récit, avec des scènes inutilement étirées, d’autres indubitablement brusquées, voire certaines digressions subsidiaires simplement superflues. Par-delà ces menus défauts, Sailor Twain s’impose pourtant comme une lecture enivrante, par l’originalité de son sujet, de ses protagonistes et de ses décors. Plus qu’une toile de fond, le fleuve et ses méandres, ses eaux capricieuses, ses brumes traitresses, est un personnage à part entière de l’œuvre. De même le steamer, avec ses roues à aubes formidables, sa salle des machines effrayante, ses passagers hauts en couleurs et son équipage tapis dans l’ombre est comme l’écho trouble et mélancolique du Daisy Belle de Lucky Luke. Une ambivalence à l’image des deux héros de cette aventure.
Lafayette, ce tourbillon d’énergie mondain et superficiel, ce frère de remplacement envoyé aux Amériques pour se substituer à son aîné disparu, ce séducteur compulsif aux conquêtes éphémères se révèlera dans l’épreuve plus profond et complexe qu’attendu. Quant au capitaine Twain – son apparence juvénile et son caractère sensible et romanesque en font un parfait contrepoint du marin opiniâtre et hâlé traditionnellement dépeint –, il devra choisir entre un amour impossible avec un monstre marin aussi désirable qu’inaccessible, et l’amour platonique qui le lie à sa femme paralytique. Une confusion des sentiments, une exacerbation des frustrations sexuelles qui participent grandement de l’atmosphère victorienne enveloppant ce conte. Avec ce qu’il faut de tragique pour le rendre poignant, et ce qu’il faut de comique pour le rendre attachant.
Équivocité toujours, dans le graphisme cette fois : le trait faussement naïf de Mark Siegel dépeint merveilleusement cette foule bigarrée des rives de l’Hudson, fruit d’un travail minutieux de reconstitution historique. Entièrement réalisé à la mine de plomb, le dessin fait irrésistiblement penser aux cartoons de l’entre-deux guerres, au Felix le Chat de Pat Sullivan notamment, par ces visages anguleux aux pupilles surdimensionnées, mais aussi par ce dynamisme impeccable dans le rendu des mouvements. Les paysages fluviaux sont travaillés de façon très esthétique, à grand renfort d’ombres charbonneuses, tout comme le bateau lui-même, particulièrement soigné et réussi. Quant à la sirène, son impavide sensualité rayonne à chaque apparition, personnifiant élégamment ce symbole du désir masculin, mortel et impérieux, dont est tissée sa légende.
Un dessin qui révèle peu à peu ses charmes, jusqu’à captiver le regard du lecteur, une fable tragicomique empreinte de sensualité, baignée de nostalgie, autant d’éléments qui font de ce Sailor Twain une des bonnes surprises de ce début d’année.
L'introduction est franchement réussie. Par la suite, l'histoire se met en place progressivement. On va vivre la croisière en 1887 sur l'Hudson à bord d'un bateau à vapeur et en charmante compagnie.
Il va falloir s'accrocher pour connaître le fin mot de ce conte mi-fantastique car c'est beaucoup trop long. Le dessin est certes agréable mais on ne voit pas le bout. Et quand il arrive, on n'a rien compris.
Bref, question compréhension, il faudra repasser. Je sais que je dois parfois me creuser les méninges et que rien n'est facile, ni livré sur un plateau d'argent. Pour autant, après une longue lecture, j'étais en droit d'attendre une belle conclusion que tout le monde comprendrait.
Pour le reste, il y a une ambiance de croisière que j'ai bien aimée entre onirisme, poésie et sensualité. Bref, un voyage surprenant à défaut d'être palpitant.
A travers l’histoire de Twain et de sa passagère clandestine, Siegel nous entraîne dans une sorte de mythologie du fleuve Hudson. Les ambiances tour à tour mystérieuses, humides, émouvantes, sont très bien restituées. Le dessin est intéressant. Je ne suis pas une grande connaisseuse, mais on dirait que Siegel a utilisé un type de trait par thème : presque documentaire pour les objets, inspiré des vieux dessins animés américains pour Twain, très en courbe et en sensualité pour la sirène, moins contrasté pour Lafayette…
Les quatre cent pages se lisent très vite et l’on continue à s’interroger après lecture sur nos propres « sirènes ».
Un vrai pavé que cette sirène de l'Hudson, près de 400 pages qui savent retenir le lecteur grâce notamment à un dessin très expressif où les personnages sont bien campés et les décors tout en nuances de gris reflètent bien l'ambiance humide et sensuelle du récit.
L'intrigue tient la route malgré quelques longueurs et une fin un peu énigmatique.
Peut-être plus adapté à une lecture en feuilleton que d'une seule traite.
Une œuvre originale à découvrir, un auteur à suivre.