A
u cours d’une messe rouge comme le sang qui le quitte, Werner expire au creux des reins de la comtesse Jeanne-Sophie. Mais la victoire de la machiavélique aristocrate ne sera que de courte durée et l’enfant qu’elle porte désormais en elle, la précipitera dans la folie qu’Augustin lui avait prédite !
La famille maudite remonte le temps à la recherche de l’anathème qui la frappe. Avec Hiver 1768 : votre enfant comtesse, Yslaire clôt le chapitre originel de La guerre des Sambre.
Que dire de ce triptyque si ce n’est qu’il est à l’image d’un siècle qui redistribuera les cartes. Romantiques ou pragmatiques, emprunt(e)s d’humanisme ou pétri(e)s de bondieuseries, cyniques ou ingénu(e)s, libertin(e)s ou dévot(e)s, la galerie de personnages inventée par le scénariste belge fait de ces trois opus un régal. Car, au-delà de la richesse et de la qualité d’écriture d’un récit qui sait habilement entremêler Histoire et fiction, Marc-Antoine Boidin réalise un superbe travail tant par l’à-propos de ses décors que par le tourment ou les perversions qui transpirent à travers la physionomie des différents protagonistes. En ajoutant à cela des couleurs qui, bien que jouant sur une palette chromatique des plus restreintes, n’en demeurent pas moins des plus expressives, il est normal de considérer la funeste destinée des deux jeunes gens comme une véritable réussite.
Charlotte et Werner exaltent un charme désuet et tragique dans la lignée des grands Romantiques. Un album des plus touchants.
La sulfureuse et scandaleuse Jeanne-Sophie de Sambre, son cruel père Augustin et le sinistre chanoine Saintange sont les personnages centraux de ce cycle époustouflant….Les dialogues sont incisifs, caustiques, percutants, et la perfidie assassine de nos héros est mise en image et en couleurs avec un exceptionnel brio…on ne saurait dire, qui de la fille, la comtesse de Sambre et du père Augustin est le plus obscène et retors…Werner et Charlotte subissent candidement les événements sans vraiment les comprendre et alimentent ainsi la guerre des Sambre …Leur innocence et leur passion vont se noyer dans un torrent de larmes et de sang…Kolossal cycle, dirait le très fade et benêt chevalier von Dantz….
De tous les cycles gravitant autour de la série mère, "Werner et Charlotte" est peut-être le plus malsain. En effet, Jeanne-Sophie et sa morale plus que douteuse donne un sens profond à la série, volant par la même occasion la vedette à Charlotte, clairement. Et lorsqu'elle décide enfin de s'intéresser à Werner, on sait que ce ne sera pas par charité chrétienne, mais bien pour un but personnel... reste à découvrir vraiment lequel.
"Werner est Charlotte" est une plongée dans l'univers de l'aristocratie de la seconde moitié du 18ème siècle, à quelques années de la révolution française. Une époque qui convient particulièrement bien à Bernard Yslaire, vu la qualité descriptive de cet album, aussi bien sur le plan des événements que sur celui des décors, mis en image d'une main de maitre par Boidin. Car c'est finalement le trait du dessinateur qui marque vraiment le lecteur : celui-ci frôle la perfection. Trait fin, décors incroyables, costumes d'époque.
Ce dernier tome donne tout son sens à la série avec un dénouement bien trouvé et un suspense encore accru pour la suite de la saga que j'attends avec impatience.
Un chef d'oeuvre du neuvième art.