D
ans les salons feutrés de Londres, il n'est question que du récent mariage de Lord Montbarry et de la Comtesse de Narona. S’enticher d’une demi-mondaine, pourquoi pas ? Mais rompre pour cela ses fiançailles avec la belle et si respectable Agnès Lockwood, il y a un pas que bien peu auraient osé. Quoiqu'il en soit, fuyant la capitale anglaise, il file désormais le parfait amour à Venise jusqu’au jour où une mauvaise bronchite le fait passer de vie à trépas. Dès lors, les spéculations les plus folles circulent sur cette fin prématurée, d’autant que dix mille livres doivent être versées à l’inconsolable veuve… De quoi attirer quelques réticences de la part de la compagnie d’assurance qui dépêche aussitôt l’un de ses enquêteurs.
Luchino Visconti et Thomas Mann firent mourir Gustav von Aschenbach sur les plages du Lido, pour sa part Lord Montbarry expire dans un hôtel particulier au milieu des canaux vénitiens. Sont-ce les brumes qui recouvrent la lagune ou les façades des palais trop fastueuses pour être honnêtes qui réveillent l’imagination des cinéastes comme des écrivains et ce de manière quelque peu funeste ?
Roger Seiter et Vincent Wagner développent avec Venise hantée un polar qui, bien que librement interprété d’un roman de Wilkie Collins, fera immanquablement, penser à l'œuvre de feue Agatha Christie. Outre le microcosme de la haute bourgeoisie d’outre-Manche, le rythme - disons plutôt l’absence de rythme - renvoie indubitablement aux enquête du perspicace Hercule Poirot. Si la mort tarde à venir, c’est que Roger Seiter a besoin de tisser patiemment sa toile, poser calmement son intrigue et mettre en place progressivement ses personnages. Ainsi, nombre d’éléments sont disséminés au fil des planches et auront, le moment venu, toute leur importance. Sitôt le décès constaté, le récit proprement dit prend son cours lentement et indirectement, puisque maints faits et évènements sont relatés par des tiers, à l’occasion d’un diner ou de simples conversations. Il s’ensuit une distanciation par rapport à l’action qui trouble la réalité des choses ! Lord Montbarry est-il vraiment décédé ou simplement disparu ?
Sur une trame exploitant les non-dits et voyageant entre les bords de la Tamise et les rives du Canal Grande, Vincent Wagner apporte son trait semi-réaliste qui sait parfaitement jouer sur les expressions et créer, par sa mise en couleur et ses jeux d’ombres, une atmosphère aux parfums très… british.
Un album d’ambiance qui ne démarre véritablement que par son final (trop) théâtral et fait espérer un second opus plus mouvementé !
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