N
oémie revient dans la maison normalement dédiée aux vacances. Toute joie est absente, elle vit une tragédie : la perte d’un être, le grand-père que l’on sait pourtant devoir disparaître. Mais la mort, c’est quoi ? Une abstraction qui existe ailleurs, chez les autres, qui ne vous concerne pas. Puis non, soudain, elle est là et c’est dur. Encore plus déstabilisant, papa pleure et semble loin, inaccessible. Les pensées s’entrechoquent, les sentiments s’opposent à la majesté du décor d’automne. Une phrase. « À quoi ça sert de vivre, si c’est pour voir partir ceux qu’on aime… ? ». Maman, un instant désemparée, qui cherche ses mots, et rassure : « les gens qui comptent vraiment continuent de vivre à travers nous ». Est-ce vrai ? Noémie va s’endormir sur cette interrogation, monsieur cochon (Piggs), le vieux « doudou » de la maison de ses grands-parents, restant, bien entendu, complètement muet. Subitement réveillée, elle est invitée par monsieur Piggs, maintenant doué de parole, à le suivre pour répondre à un appel à l’aide. Noémie bascule dans un monde onirique où elle va devoir rechercher un roi disparu.
Ce conte de Jean-Christophe Deveney est un récit initiatique autour de l’appréhension du décès d’un être proche et de la difficulté de voir celui que l’on croyait fort craquer sous l’émotion. Le message se transmet à travers une narration fluide s’appuyant sur des valeurs accessibles à l’enfant et des caractéristiques propres à la jeunesse : la loyauté, la capacité de croire et d’accepter l’inimaginable, la possibilité de rebondir très rapidement, l’amour pour les princesses, les chevaliers, les châteaux et les quêtes. L'enfant en recherche de réponses doit affronter des dangers plus grands que la mort - le repli sur soi et l’oubli - avant de trouver un sens à cette aventure. Sous le couvert du récit épique, l’auteur aborde avec sensibilité et tendresse des questions sur la fin de l’existence qui se posent malheureusement et naturellement au cours de la relation parents/enfants.
Les adultes trouveront peut-être que les transitions sont un peu rapides, que les enchaînements manquent de construction. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'album cible surtout les jeunes de huit à douze ans, qui se satisferont plus facilement de ce rythme échevelé.
S’il est aisé de se prendre d’affection pour l’héroïne, le trait de Tatiana Domas y est pour beaucoup. Elle excelle pour recréer l’atmosphère automnale lors de l’enterrement de l’aïeul ou celle du monde imaginaire traversé par les aventuriers. Ses personnages, qu’ils soient humains ou animaux, sont attirants, en particulier la jolie Noémie. Avec une colorisation particulièrement appropriée, elle fait « vivre » les émotions exprimées dans cette fable. L’unique bémol viendra d’expressions parfois un peu figées sans pour autant atténuer la poésie et l’invitation au rêve qui se dégagent de ces planches.
Un livre juste et touchant sur un thème toujours délicat à aborder.
Sur un sujet proche, venez découvrir le très joli et émouvant Clara
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