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ous sommes en 1243. Depuis plus d'un siècle, les dogmes des Cathares se propagent et gagnent sans cesse de nouveaux adeptes. Ce prosélytisme n'est pas du goût du Roi de France qui voit en ces hérétiques des trublions qui pourraient mettre à mal la stabilité de son Royaume fondé sur les préceptes d'un catholicisme intransigeant. D'autant que le comte de Toulouse s'est acoquiné avec ces libertaires et menace de se retourner contre son suzerain. Le Saint Office se devra d'intervenir pour mettre fin aux agissements des Cathares dont les derniers représentants se sont réfugiés à Montségur, forteresse inexpugnable s'il en est.
Avant de commencer la lecture de cet album proprement dit, il apparaît indispensable de lire attentivement la préface et la présentation des différents personnages. En effet, aborder un tel univers sans rien connaître du contexte dans lequel l'histoire se déroule peut s'avérer ardu tant celle-ci est richement documentée. Un tel souci de fidélité à l'Histoire est tout à l'honneur des auteurs qui semblent ne se permettre aucune approximation. On sent leur véritable connaissance de l'époque décrite et du mode de pensée des Cathares.
Malheureusement, ce parti-pris audacieux se paie au niveau de la narration qui manque souvent de fluidité : les transitions entre scènes d'action et mises en situation historiques ne se font pas sans heurt. Il en ressort une impression de décousu déstabilisante. En outre, ce premier tome est le cadre d'un récit qui, en plus de nous faire voyager dans le temps, mêle conflits politiques et quêtes mystiques. Parallèlement, nous suivons deux autres histoires : celle d'un petit garçon fort simplet qui fait une grande découverte et celle d'un personnage bien mystérieux qui n'apparaît pas mais s'exprime en voix off du début à la fin. Mais les auteurs maîtrisent leur sujet, le propos est intéressant et donne envie de poursuivre.
Particulier à plus d'un titre, le dessin de Poulos participe également à l'hermétisme de l'album. La mise en couleurs prend le pas sur le dessin et c'est bien là que réside son intérêt. Non pas que le trait en lui-même n'en présente aucun mais la colorisation permet la mise en place d'ambiances dans lesquelles on prend plaisir à se perdre. Le dessinateur joue sur des tonalités très variées pour instaurer des atmosphères très différentes selon les situations, mais avec toujours un dénominateur commun : les tons pastels utilisés qui font paraître les paysages irréels et les personnages tourmentés.
Gabella et Poulos n'ont pas choisi la facilité pour ce qui est un de leurs premiers albums. Voir de jeunes talents faire de tels choix est plus que louable et même rassurant pour le devenir de la bande dessinée. Mais Les prisons de chair s'apparente parfois un peu trop à un cours d'histoire et le côté didactique empêche le récit de nous tenir en haleine d'un bout à l'autre. L'enthousiasme communicatif des auteurs nous fait tout de même dire que le deuxième et dernier tome devrait nous apporter beaucoup de satisfaction. Mais on espère quand même plus de révélations pour rythmer une histoire qui en a bien besoin.
La Chute de Montségur, le dernier refuge des cathares! Enfin, une vraie BD sur le sujet, documentée, rythmée, envoûtante! Les planches sont absolument ma-gni-fi-ques et le scénario est riche, pointu!
Avis aux amateurs d'Histoire et de fantastique, cette BD, on va en reparler...