A
vec leurs compagnons du Régiment d'Infanterie Légère du Canada, Law et Jack se serrent les coudes. Ballottés par une mer dure, ils s’apprêtent à mettre en pratique ce qu'ils ont répété ad nauseam depuis des mois. Nous sommes le 6 juin 1944, droit devant, les plages de Normandie.
À l'image de Florent Silloray dans Le carnet de Roger, Scott Chantler, armé du cahier et des lettres dans lesquels son grand-père nota toute son expérience, propose un témoignage à la fois personnel et universel. Deux personnages déracinés font face à un événement qui les dépasse : la Deuxième Guerre mondiale. Si le conflit occupe logiquement une place prépondérante dans l'album, l'auteur ne se limite pas pour autant à narrer les exploits de son aïeul. Il raconte, avec minutie toute la vie militaire : les entraînements à répétition, l'attente, les corvées, la fatigue, l'isolement et, pour souffler, quelques bons moments avec les permissions à Londres. Les combats arrivent dans un second temps, presque par surprise, succincts et violents. Le scénariste se joue de ce radical changement de ton et décrit, avec beaucoup de brio, cette atmosphère lourde où la peur nourrit tous les instants.
Au milieu de ces grandes manœuvres à l'échelle d'un continent, les petites choses, le moindre espoir et, malheureusement, les pertes tragiques donnent toutes leurs forces au propos. Même si le ton cède parfois à un lyrisme un peu forcé – Ô Canada, ton bras sait porter l'épée scande l'hymne -, cet opus se lit comme un véritable roman d'aventure. De plus, la réalité étant souvent plus forte que l'imagination, le double destin de ces deux amis apporte à la narration un niveau d'humanité très touchant.
Malgré le format réduit de l'album, le dessin garde une lisibilité exceptionnelle tout au long des pages. Chantler manie la ligne claire avec beaucoup de talent. La reconstitution historique est exemplaire, chaque petit détail vestimentaire ou mécanique (l'anecdote à propos des bicyclettes sur Omaha Beach est incroyable) est montré précisément, dans son jus pourrait-on dire. Seuls les personnages, dotés de visages un peu trop lisses, manquent de profondeur. S'ils expriment bien leurs émotions, ni la fatigue ou le stress ne semblent vraiment les marquer.
Deux généraux, premier ouvrage de l'auteur ontarien à être traduit en français, est exemplaire à tous les points de vue. À lire.
Sur le même sujet :
Le blog de Deux Généraux (en anglais).
A l’heure où nous célébrons le 70ème anniversaire du débarquement des alliés en Normandie, voici un nouveau témoignage vécu par le grand-père de l’auteur. Ce fut un régiment canadien qui paya un lourd tribu afin de libérer notre territoire du joug nazi. Nos générations n’ont pas connu la guerre et il est toujours salutaire de savoir ce qui s’est passé. C’est surtout le sacrifice d’une génération pour la liberté de toutes les suivantes.
Bref, sur le fond, c’est tout à fait louable. Cependant, cette œuvre ne va rien apporter de plus. J’ai tellement lu sur le sujet que j’en suis gavé. J’aurais aimé une originalité dans l’approche. On n’arrive pas à sympathiser avec les deux personnages principaux. Je retiendrai surtout les manœuvres militaires qui ont précédé le plus grand débarquement de l’Histoire.