L
e plus célèbre Siennois de la bande dessinée s’exile en terre bretonne pour tenter de récupérer une somme d’argent prêtée par la banque Tolomeï à un seigneur local devenu décadent et désespéré. La tâche s’avère plus ardue que prévue et le malheur qui s’est abattu sur la population, bien aidé par ce qui semble être comme l’œuvre du Malin, va obliger Vasco à démêler les fils d’une intrigue diabolique pour espérer arriver à ses fins.
Exiler le personnage central en pays austère et l’éloigner du charme de la vie italienne de la fin du Moyen Âge n’est pas forcément judicieux. L’intérêt principal de la série réside essentiellement dans les pérégrinations du jeune Baglioni à travers les arcanes de la finance, qui ne sont que prétexte à l'aventure, et des interactions avec les grands ou les indigents de son monde. Les quelques incursions en pays "exotiques" n’ont pas toutes été synonymes de qualité et ce vingt-quatrième album en est l’exemple même : personnages caricaturaux, ambiance lourde et faussement mystique et intrigue complexe au dénouement précipité. Comme si l’originalité du lieu pouvait justifier à elle seule la consistance d’un récit. Le village maudit n’apporte pas de pierre à l’édifice branlant de la continuité d’une série après la disparition de son créateur. Garder le souvenir de réussites comme L’or et le fer, Les barons ou Ténèbres sur Venise n’est-il pas préférable à la perpétuation coûte que coûte d’histoires dont le héros ne pourra que perdre en épaisseur au gré des tomes édités ?
De la déception à l’état pur. Quand on a été recommandé par Historia, on ne prend pas de libertés avec l’Histoire sans risquer l’escroquerie avec le lecteur. Or, c’est pourtant ce qui se passe ici. L’architecture (demeures, calvaires) n’est pas du XIV°, mais plutôt du XVII°. D’ailleurs, elle est riche et on ne comprend plus pourquoi les habitants sont si pauvres. L’abattage des vaches (planche 22) est ridicule : on n’abat pas un bétail qui peut vous permettre de passer l’hiver. Si l’auteur confond vache et cochon, où va t-on ? D’ailleurs, si le dessinateur s’était renseigné, il n’aurait pas dessiné du bétail de race Limousine, mais plutôt de race Bretonne Pie-Noire. Erreur historique stupide.
Que les auteurs aient voulu raconter un drame, très bien. Mais ils auraient pu lire une Histoire de la Bretagne et en finir avec cette légende de Bretagne perpétuellement misérable. Au XIV° siècle, le niveau de vie en Bretagne était supérieur au niveau de vie français. C’est surtout à partir du XIX° que les écarts se sont accentués.
Si on donne dans le genre historique en prenant de telles libertés avec l’Histoire, j’imagine les fausses idées qu’on peut répandre chez les lecteurs. J’imagine bien que la Bretagne n’a pas le monopole de leur fantaisie.
La qualité du dessin sauve la mise heureusement, mais ce n’est pas suffisant pour sauver une BD du naufrage. J’espère que par la suite, les auteurs sauront mieux coller à l’Histoire, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle.