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es vêtements qui ne vont plus, un ventre qui a gonflé. Jisue Shin s’interroge : depuis quand est-ce ainsi ? Comment ne s’en est-elle pas aperçue plus tôt ? A-t-elle trop mangé ou est-ce autre chose ? Avec son petit ami, elle se rend à l’hôpital et subit divers examens radiologiques. Le couperet tombe : Jisue a une tumeur à l'ovaire. Elle n’a que vingt-six ans. Pourquoi elle ? Comment les choses vont-elles évoluer ? Hospitalisation, opération, chimiothérapie : chaque étape apporte bientôt son lot d’angoisses et d’espoir, tandis que l’ennui point et que la solitude face à la maladie se fait ressentir. La route est longue vers la guérison. Incertaine aussi.
Aujourd’hui, Jisue Jin a trente-deux ans. Elle a vaincu son cancer et livre, dans 3 grammes, son combat contre cet adversaire invisible. Dès les premières pages, le ton est donné : celui qu’on aurait pour relater un mauvais rêve, tout en mettant l’accent sur une certaine légèreté. Celle de ceux qui sont passés par là et préfèrent prendre les choses du meilleur côté possible, plutôt que de se lamenter vainement. En effet, ne versant jamais dans le pathos, l’auteure se raconte et narre la lutte qui a été la sienne avec retenue, justesse et sincérité. Elle n’est ni pire ni meilleure que les autres, ni plus combattive ni plus difficile comme patiente. Elle est simplement une naufragée échouée sur une île, parmi plusieurs êtres également en perdition. Sa bouée : ce sont ses proches qui la soutiennent indéfectiblement et les quelques amis qui continuent à venir la voir, malgré le temps qui passe, le traitement qui dure. Mais aussi les soins à heures fixes, les courtes promenades avec sa sœur et les feuilletons télévisés qui se transforment en rituels ponctuant un quotidien morose où l’isolement impliqué par la maladie grignote le moral comme le "crabe" grignote les organes.
Interrogations, peurs, mal-être, mauvaise humeur, déceptions, espoirs : tous ces moments, tous ces sentiments sont exprimés en peu de mots, pourtant percutants, et sont renforcés par un dessin qui n’en fait jamais trop. À la fois simple, expressif et teinté d’humour, le trait complète et accentue le verbe, accompagnant bien une narration fluide. Essentiellement en noir et blanc, la mise en image est cependant ponctuée de planches en couleurs destinées à traduire visuellement certains moments et à augmenter encore la charge émotionnelle. Ainsi en est-il de ce passage où l’hôpital devient un vaste océan pour la patiente, ou de l’avant-dernière double page qui symbolise le triomphe de la vie et la renaissance.
Délicat, juste, émouvant, 3 grammes ne laisse guère indifférent. Un album à découvrir !
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