Les pérégrinations de Deirdre ou... 1. Pourquoi j'ai voulu détruire ce monde

D eirdre Erharrt est une Toriste. Elle est née, a grandit et vit sur un Tore, une de ces innombrables stations spatiales perdues au fin fond de l’espace. Comme tous ses semblables, elle participe à la future terra formation d’une planète, nommée SISP21. Encore deux générations d’humains et l’air y sera respirable. Mais Deidre a un autre projet pour son avenir proche : découvrir la Terre, le berceau de l’humanité. Et y rencontrer Karl, son correspondant, voire son amoureux lointain, qui lui a promis de lui faire découvrir toutes les merveilles terrestres, en premier lieu la mer et les océans. C’est donc pleine d’espoir qu’elle prend place à bord du vol n°2347 à destination de la planète bleue. Las. La réalité aura un tout autre goût que ses rêves et il lui faudra affronter le vrai visage de ce monde ancien, bureaucrate et hermétique de prime abord. Loin des clichés nostalgiques ayant cours aux confins de l’espace.

Découvert lors de sa collaboration avec Run sur le tome 0 de Mutafukaz, "It came from the moon", Bicargo nous livre ici son premier album. À l’image du reste de la production d'Ankama, cet ouvrage sort singulièrement du lot. Certains, voire beaucoup, devront accepter l’aspect visuel de l’ouvrage, avant de profiter pleinement de l’histoire. Le rendu « fait à l’ordinateur », les effets de mise en scène, les différents encarts publicitaires et/ou informatifs, et l’abus des trames ne masqueront pas pour tous les lecteurs les faiblesses de l’album, qu’il s’agisse de certains visages et expressions, ou de certaines scènes parfois peu claires. Ces défauts mis de côté, il faut reconnaître un certain attrait à ce patchwork de trouvailles graphiques. L’auteur s’y plaît à compiler références vintage et expérimentations futuristes, et certains scènes brillent par leur palette de couleurs. Quant à l’intrigue, si la critique de fond sur notre possible futur rend plus consistant le propos, c’est le parcours de l’héroïne, Deirdre, qui captivera l’attention du lecteur. Sa position extérieure à la Terre, l’œil neuf, permet à l’auteur de mettre en relief non seulement les défauts de notre vie moderne, mais surtout les quelques qualités qu’il lui reste.

À l’instar de son titre, face au parti pris graphique, beaucoup se demanderont pourquoi ils ont voulu lire ce livre. Parions qu’une majorité ne regrettera pas ce choix et appréciera cet album d’anticipation, genre à part dans le domaine de la science-fiction, et sera surtout séduit par la personnalité de son héroïne.