A
près vingt victoires consécutives, Ryota Sakamoto vient d'intégrer le top 10 mondial sur btooom !, jeu en ligne auquel il consacre la majeure partie de son temps. À 22 ans, sans emploi, vivant reclus et collé à son écran manette à la main, il espère vivre un jour de son « art » en trouvant un emploi chez un éditeur de ludiciels. Un jour, changement de lieu, il se réveille sur une île. Au cœur du terrain de jeu, pour survivre, il va devoir manier des bombes aux propriétés différentes et éliminer des adversaires qui, comme lui, devront collecter les puces implantées sur leur main gauche pour espérer s'en sortir.
Nouvelle pierre dans l'édifice déjà bien fourni du « survival », btooom ! fait preuve d'une efficacité certaine et devrait trouver un public amateur de jeux vidéo, d'action et d'armes sophistiquées. Depuis Battle royal (pour ne citer que le titre le plus emblématique), les titres s'appuyant sur une compétition opposant des jeunes gens devant éliminer leurs congénères pour sauver leur peau ont en effet fleuri. De ce côté-ci de la planète, le succès phénoménal d'Hunger games montre avec éclat que le genre est capable de séduire une population avide de ses premiers frissons. D'ailleurs, quelques similitudes avec le roman de Suzanne Collins et son adaptation au cinéma sont notables. Comme Katniss Everdeen, Ryota Sakamoto s'emploie à maîtriser les autres participants et ne cherche à les éliminer qu'en dernier ressort. Ceux-ci, pour l'échantillon découvert après deux tomes, ne suscitent pas plus d'empathie dans les deux séries, pour ne pas dire qu'ils apparaissent comme condamnables ou dégénérés (le gamin nécrophile et parricide). Mais, dans son côté, Junya Inoue (Otogi Matsuri - Bamboo) prend moins de gants que l'auteure américaine, n'hésitant pas à ajouter au passage une rasade de gore ou quelques effets dégoûtants (le héros qui s'empêche de régurgiter pour ne pas perdre le bénéfice de son dernier repas).
Autre analogie entre les deux créations : d'un côté, se déroulent les Hunger games, gigantesque show télévisé, instaurés pour asseoir la tyrannie imposée par Corolianus Snow sur le Panem, nouvelle Amérique du Nord post-apocalyptique ; de l'autre, btooom !, extension conçue par la Tyrannos (!) Japan dont le lecteur ignore pour le moment l'instigateur et s'il existe des spectateurs de cette partie de Bomberman caractérisée par des lancers façon Beyblade – comme pour les toupies ou gadgets assimilables, chaque bombe dispose d'une fiche de présentation.
Le parallèle, plus ou moins abusif, s'arrêtera là : ici, la puissance qui manipule les joueurs n'est pas d'ordre politique et le personnage central n'est pas issu d'une communauté subissant dictature et misère. Contrairement à Katniss, les intentions de Ryota ne sont pas pures et, confronté au péril, il n'a à son actif d'autre acte de bravoure que celui de se découvrir un intérêt pour autrui. L'être asocial n'est probablement pas prêt de se transformer en papillon héroïque et le mangaka qui l'a créé utilise son égocentrisme pour mieux exploiter son profil psychologique, de type hikikomori (pathologie sociale qui touche les gens cloîtrés chez eux), celui de sa mère, dépressive, et de son beau-père. Voilà, pour la dimension sociologique d'un feuilleton dont la vocation essentielle est bien de divertir et qui n'esquive pas quelques excès (violence, image donnée des rares personnages féminins, maturité hors norme d'un gamin martyr à l'intelligence de surdoué).
Servi par un graphisme précis et un rythme prenant, par sa capacité à se défouler par procuration (virtuellement ?), btooom ! mérite le détour, à défaut d'être un shônen à mettre entre toutes les mains. Troisième volume à paraître le 9 mai (7 publiés pour le moment – série en cours).
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