U
n bateau transportant une cargaison illicite dans ses cales a une avarie dans les eaux territoriales kenyanes où il n’a pas l’autorisation de naviguer. Là où ça se gâte, c’est quand la police maritime l’accoste et décide de le remorquer jusqu’au port. En son for intérieur, et pas seulement, le capitaine fulmine, il perçoit très bien les emmerdes à venir. Ailleurs, un vieil homme édenté, la chevelure broussailleuse, s’éveille et s’extirpe hors de sa hutte perdue dans la savane. Après ce qui semble son rituel matinal, il prend une frêle embarcation et s’éloigne de la mangrove et de sa dense végétation pour gagner l’immensité de la mer. Encore ailleurs, dans la ville portuaire de Lamu, Naïm, un petit garçon de onze ans fait tourner son grand frère en bourrique. Ce dernier s’est mis en tête de le remettre dans le droit chemin, celui de la madrasa et de la religion, ce qui n’est pas une mince affaire, car le jeune Naïm semble plein de ressources. Leur quotidien est fait de courses poursuites dans la ville et, pour le plus jeune des deux, de rencontres propres à l’école de la rue. Trois destins appelés à se croiser.
Pour son premier album en solitaire, première partie d’un diptyque, Benjamin Flao s’avère être un conteur fort talentueux. N’empruntant pas les chemins les plus évidents, il laisse du temps à son histoire afin qu’elle prenne toute son ampleur, un peu à la manière de ces arbres majestueux qui mettent des décennies, voire des siècles, avant d’arriver à maturité, et qui, chez cet auteur, sont célébrés album après album dans toute leur complexité. Le lecteur de se perdre avec délice dedans, avant de voir l’ensemble prendre forme avec non moins de plaisir. Tout part des personnages, Naïm et son regard plein de malice sur tout ce qui l’entoure et sur le manège de son frère qu’il suspecte de vouloir gagner des points sur son dos pour obtenir sa place au paradis, l’ancien, porteur de la sagesse - parfois relative - et des traditions ancestrales et, enfin, le capitaine, savant mélange de bon bougre et de trafiquant notoire, qui manie la langue de Haddock avec une touche fort contemporaine et dont la situation se gâte sérieusement alors que les jours passent. Autour, grouillent le folklore, le pittoresque, les nuisibles et les paumés, autant d’ingrédients propices, si tant est qu’ils soient accommodés avec inspiration, à livrer un récit qui offre dépaysement et aventure.
C’est ici le cas, et le tout dans une bonne humeur généralisée qui donne le juste contrepoint dynamique à la puissance du dessin dans ce qu’il propose comme évasion au lecteur. Si les ambiances varient d’une planche à l’autre, d’une case à l’autre, l’ensemble n’en demeure pas moins homogène de bout en bout. Cela est notamment le fait d’une mise en couleur directe qui donne un véritable environnement aux différentes séquences. Si le rendu diffère, il y a cependant là quelque chose qui fait écho, en terme de ressenti, au travail d’Emmanuel Lepage (La terre sans mal, Muchacho et Voyage aux îles de la désolation). Ainsi, et c’est ce qui émerveille une fois le prologue passé, voire éblouit, il y a ce blanc aveuglant qui irradie le paysage en rendant l’effet du soleil. À la manière de ce qui caractérise le jeu du pianiste Ahmad Jamal et son art consommé de l’utilisation des silences, Benjamin Flao est capable de sublimer le vide. Il est aussi capable de l’occuper, comme c’est le cas quand il plonge son récit dans la densité de la nuit, d’une végétation luxuriante, ou encore, quand il le perd dans les bas-fonds d’un boui-boui local où le mélange des rouges et des bleus donnent une atmosphère des plus glauques.
En effet, tout s’est comme accéléré sur la fin de ce premier tome, les éléments ont pris sens les uns par rapport aux autres et force est de constater que, sans le laisser paraître, tout est bel et bien en ordre de marche afin que le second soit du même tonneau. En 2007, avec La ligne de fuite, Benjamin Flao a montré qu’il était un dessinateur d’exception, aujourd’hui, avec Kililana song, seul aux commandes, il se révèle un formidable narrateur.
Quel magnifique album. Dans une douce et chaude ambiance africaine, on suit les chemins de Naïm et de tout un tas de personnages, dont les aventures et les destins se croisent. Le tout est mis en valeur par les superbes planches de Benjamin Flao.
Benjamin Flao nous entraine dans les pas de Naïm, onze ans, orphelin de Lamu (côte nord du Kénya). Naïm préfère ne pas respecter les injonctions de son grand frère qui veut qu’il fréquente la madrasa et courir dans les ruelles de sa ville pour lui échapper. Flâner avec les autres enfants, discuter avec les pêcheurs, flirter avec les prostituées et écouter les histoires des étrangers dans les échoppes du port fait donc partie de son quotidien.
Pour vivre il apporte régulièrement sa dose de qat à un vieil infirme qui le rémunère en monnaies et histoires.
Pas bien loin de la ville des promoteurs immobiliers convoitent une mangrove ou se trouve un vieil arbre sacré. Ali, le dernier descendant des gardiens de l’arbre connaît son histoire. Saura-t-il la transmettre ? Naïm est-il prêt à recueillir cette histoire ?
Le dessin, encre et aquarelle, est fluide et dynamique et souligne le rythme du récit avec soin. Construit comme un récit d’apprentissage, cette bande dessinée nous entraine à la suite d’une flopée de personnages pittoresque au cœur d’une intrigue ou se mêlent les traditions ancestrales africaines et la modernité du monde moderne globalisé. Récit sur l’enfance, sur la débrouille, empreint de gravité et de poésie, Kililana Song est une réussite. Naïm est le Tom Sawyer africain.
Les dessins sont magnifiques, Naïm, le personnage principal, est espiègle et malin, l'intrigue se met en place et c'est rondement mené pour l'instant. Vivement la suite !
J'avoue que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire. Encore une chronique de vie dans un quartier. C'est en Afrique, oké, mais on retrouve les ingrédients d'une chronique de quartier : les lieux, les personnages plus ou moins attachants...
Et puis, le dessin et la force des personnages aidant, je me suis peu à peu accroché à ce petit bout de territoire et à ses habitants.
La représentation des peaux noires, des bateaux, de la lumière de cette ville d'Afrique, de la mer... est vraiment sublime. Chaque case est un tableau et les doubles pages sont des splendeurs.
Premier tome sans grande histoire à raconter, juste des gens qui vivent les uns avec les autres, à côté des autres. Et on suit le petit Naïm, refusant de se plier aux règles sociales, et qui apprend la vie au contact de sociétés pas forcément nettes...
A suivre.
Kililana song est un album dépaysant. Les décors sont ceux d'une petite ville du Kenya. Le dessin est aérien et agréable quoi que un peu difficile par moment. Les caractères utilisés pour le texte des phylactères n'aident pas.
Naïm est un personnage très attachant et surtout plein de bon sens qui rêve de partir à l'aventure et de s'échapper de Kililana. L'opposition avec son grand frère Hassan est véritablement succulente et vaut à elle seule le détour de la lecture du livre.
www.criticabd.com
Je n'ai pas assez de temps pour donner mon avis sur toutes les BD que je lis.Celle ci je l'ai découverte suite au concourt de BD Gest. Et elle est tellement extraordinaire, que je me lance. C'est magique. La lumière, la mer, l'atmosphère, les odeurs, les palabres, c'est trop fort. J'ai retrouvé la même sensation que dans la Ballade de la mer salée de Corto Maltese. J'attends avec impatience la suite.
Tom Sawyer version kenyane !
Sur la côte kenyane, Naïm est un garçon intelligent et libre. Son quotidien, il le préfère dans les rues de sa ville que sur les bancs de l’école coranique. Cette ville remuante et ses habitants hauts en couleur, Naïm les connait par cœur. Et c’est au rythme de ses pas ou de ses courses effrénées que nous les découvrons.
Naïm est un petit bonhomme courageux et astucieux – que l’éditeur compare avec justesse à Tom Sawyer – vit de petites combines et poursuit un rêve d’indépendance qu’il le conduira dans des affaires de gros sous et de magie noire le dépassant.
L’intrigue ne se révèle qu’assez tardivement dans ce 1er tome. Mais le scénario n’est qu’un prétexte pour nous plonger dans cette ambiance chaude et salée des villes côtières. J’ai apprécié cette douceur de vivre dans une région pas encore dénaturée par le tourisme de masse, la simplicité de leurs habitants qui vivent chichement, et bien entendu le regard léger et insouciant d’un petit garçon de 11 ans.
Cette balade est servie par un très beau dessin en aquarelle. L’auteur n’hésite pas à laisser ses dessins respirer sur de larges cases parfois même sur des doubles pages. J’ai beaucoup aimé l’esprit du dessin.
http://bdsulli.wordpress.com/
Naïm préfère l’école buissonnière à l’école coranique ou son indiscipline lui vaut bien des brimades. Aussi, il ère à longueur de jour dans des ruelles pleines de vie tout en essayant d’échapper à son frère qui tente de le garder dans le droit chemin. Pourtant, ce petit bonhomme de 11 ans a l’esprit vif de ceux qui ont compris beaucoup sur la vie et la débrouillardise de ceux qui ne se laisseront jamais aller. Ce sont ses pas d’enfant, tour à tour fuyants et flânants, qui nous guident, à la découverte de ces lieux pleins de vie, à la rencontre des hommes qui la leur donnent.
Ce premier de 2 albums s’applique lentement à planter le décor dans lequel va se jouer une intrigue liée à une ancienne légende orale africaine. Celle-ci, dévoilée peu à peu tout au long du récit, finit par se mettre en place en quelques planches peu avant la fin. Un jeu d’écriture habile qui ne distrait pas le lecteur de sa découverte des lieux, des ambiances et des acteurs qui les composent. On comprend rapidement que la principale ambition de l’auteur est de faire voyager le lecteur, tout en l’ouvrant à la réflexion.
Et c’est une vraie réussite ! On se régal de bout en bout tant les situations et les personnages sonnent juste et tant les propos avancés sont réfléchis. Chaque protagoniste y va de sa petite phrase et c’est un bonheur. Mais tout cela ne serait rien sans la qualité du dessin à la couleur directe de Flao. Sombre ou lumineux, mais toujours magnifique.