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ette nouvelle série, conçue en deux tomes, narre les tribulations et les amours de deux auteurs phares de la littérature anglaise du XIXème siècle. Le premier volume se consacre à Percy Bysshe Shelley (1792-1822), de son éviction de l'Université d'Oxford, jusqu'à sa rencontre avec Mary Godwin, qu'il épouse en secondes noces, en 1816.
Né dans une famille aristocratique, proche de la Couronne, Percy Bysshe Shelley ne compte pas suivre les traces de son père qui siège à l'Assemblée. Son âme rebelle le pousse vers tout ce qui est sulfureux. Il défend des causes anti-royalistes, anti-cléricales et prône très jeune l'athéisme, ce qui lui vaudra son éviction de l'université. Poète, il rédige de nombreux vers, parmi les plus célèbres du début du XIXème siècle et enrichit la littérature britannique d'une copieuse correspondance avec d'autres illustres plumes de son temps. Plutôt détesté, voire rejeté à son époque, il fit le bonheur, un peu plus tard, des Romantiques et des Néo-gothiques.
Ce premier tome retrace rapidement les quelques années qui séparent l'écriture du pamphlet De la nécessité de l'Athéisme, en 1811, qui lui vaudra d'être exclu d'Oxford et sa rencontre, trois ans plus tard, avec la future madame Shelley, auteure en 1818 de Frankestein. Entre-temps, il a le loisir d'épouser Harriet Westbrook, d'un rang social inférieur au sien. Il oblige presque le père de la jeune fille de 16 ans à accepter ces épousailles grâce à sa fortune. David Vandermeulen et Daniel Casanave s'amusent avec sa facette de dandy fébrile, efféminé parfois, éternellement amoureux et totalement impliqué dans la légèreté de son existence. Ils s'attardent d'avantage sur l'homme, le fils, le mari qu'il a été, plutôt que sur l'écrivain. Cet album ne retrace que quatre années de sa vie, mais intensément remplies, ce qui donne l'impression de suivre les événements de manière accélérée. En quelques pages, Shelley rencontre Harriet, l'épouse, la quitte, apprend qu'il est père et courtise Mary, qu'il finit par ravir à sa famille. Pas de place donc pour l'ennui ou l'oisiveté.
Daniel Casanave s'accorde au ton désinvolte du personnage grâce à un trait simple, fin et très expressif. Shelley est dépeint comme un individu extrêmement maigre au nez crochu mais sans le moindre muscle ni os. Juste une ligne qui s'articule et se désarticule au fil des cases. L'ensemble des personnages est traité de la même manière ce qui donne une impression de légèreté, de souplesse. Le scénario est aussi dense que les cases de Casanave, pourtant, la lisibilité n'est jamais mise de coté. Le dessinateur ne se fend pas de nombreux détails, mais sans se priver de composer de vastes décors. A ce jeu, Patrice Larcenet l'accompagne avec la même vivacité et une palette de couleurs détonantes, n'hésitant pas sur les contrastes, jouant avec les noirs profonds et les couleurs vives et improbables.
David Vandermeulen, de son coté, ne rentre pas dans une analyse biographique poussée, ni dans les détails trépidants de la vie de Shelley. On n'en sait pas beaucoup plus sur l'homme de lettres après la lecture de l'album mais le ton y est et le plaisir aussi. L'album se lit donc plus pour les péripéties rapportées et l'allégresse qu'il procure que pour le récit de la vie de Shelley. En attendant la suite, avec impatience.
Comment définir Percy Shelley ? C’est clairement le récit d’un vagabondage de fils de riches qui s’ennuie. De nos jours, on le comparerait à un bobo. Les idées qui l’animent seraient un peu comme celles de ce groupe de rock en Russie qui n’a pas hésité à chanter dans une église une ode anti-pouvoir politique et religieux. Bref, c’est de l’anticonformisme à l’état pur sur le mode de l’amusement. C’est vrai que cela rend le personnage attachant car il s’oppose à son professeur, à son père et au monde entier en faisant uniquement ce qu’il lui plaît. Il veut être un poète. Soit.
J’ai beaucoup moins apprécié la seconde partie où il laisse tomber son épouse et son enfant pour se livrer à un marivaudage qui finit complètement par le discréditer à mes yeux. La liberté doit toujours passer par la case respect. Sans cela, il n’y a plus aucune valeur. J’ai fini par me lasser de ces coups d’éclats qui n’impressionneront que les plus vulnérables. Le pseudo-intellectualisme mâtiné de poésie de bon aloi n’est sans doute pas ma tasse de thé.
Malgré tout, cela se laisse lire agréablement. On passe un bon moment de lecture d’autant que le graphisme sera de qualité. Il y a juste quelques longueurs mais qui seront vite rattrapées par le dynamisme du récit dans son ensemble.