J
eanne et Pistouvi, son ami renardeau, coulent des jours paisibles, jouant et s’amusant dans les vastes plaines entourant la cabane, perchée dans un arbre, où ils vivent. Quand ils ne se moquent pas de l’homme-tracteur bourru qui laboure sans fin les environs, ils partent à la recherche de fleurs ou de nouveaux insectes et suivent le vent, cette belle et douce femme qui sème des graines inlassablement. Mais leur quotidien presque idyllique est assombri par le danger que constituent les oiseaux. S’il écoute leur chant ou leurs paroles, Pistouvi risque d’être métamorphosé. C’est pourquoi il ne sort jamais sans son lance-pierre, tandis que Jeanne porte toujours autour du cou un ocarina dont la mélodie peut sauver son compagnon.
En octobre 2011 paraissait Pistouvi, conte initiatique, signé Merwan et Bertrand Gatignol, en un volume, au format manga et en N&B. En ce début d’année 2012, les éditions Dargaud en publient une nouvelle version sous le titre de Jeanne, cette fois-ci en deux tomes, au format franco-belge et en couleurs. L’histoire est la même, seule la présentation change et aucun bonus n’est proposé. De prime abord, l’intérêt n’est pas évident. Cependant, dès les premières pages d’Avant les saisons, le lecteur peut apprécier la fraicheur que la colorisation confère au dessin, par ailleurs très expressif, de Bertrand Gatignol. Ce pep accompagne parfaitement la dynamique du récit, lequel va en s’assombrissant.
En effet, Merwan offre ici une fable pleine de subtilité et de justesse sur la fin de l’enfance. Symbolisant l’adversité ainsi que le monde extérieur, les autres, les volatiles constituent une menace, une source d’angoisse que la fillette et son renardeau affronter malgré leur peur. L’attitude de l’un et de l’autre face à ce péril est éloquente : protectrice, Jeanne supporte mal que Pistouvi s’aventure trop près des oiseaux en raison de sa curiosité insatiable et de son imprudence. Cela constitue une des pierres d’achoppement de leur amitié, parfois également mise à mal par leurs sautes d’humeur. Si ces deux personnages s’avèrent particulièrement touchants et attachants, les figures tutélaires – la femme vent et l’homme-tracteur - qui veillent sur eux ne le sont pas moins. La narration fluide et le découpage extrêmement lisible contribuent au confort et au plaisir de la lecture, bien que les cases de l’édition grand format paraissent parfois un peu trop grandes.
Que ce soit en couleurs ou en N&B, l'histoire de Jeanne et Pistouvi ne manque pas de charme et peut être appréhendée à différents niveaux. Si la version manfra plaira peut-être davantage aux adultes car, plus sobre et plus sombre, cette édition colorisée devrait faire le bonheur du jeune public, voire, pour ceux qui posséderaient les deux, leur permettre d'apprécier différemment ce bien joli conte.
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