« La mer est la mère
L’homme boit à son sein
Et le ciel est son terrain de jeu »
Fascinantes profondeurs marines qui engendrent les rêves et d’où jaillissent les fables les plus incroyables. Ces mystères, une femme d’un certain âge s’apprête à les partager avec son petit-fils. Il y a d’abord un plongeur qui prétend avoir vu, au fond de l’océan, deux bébés nourris par un dugong. Puis il y a la rencontre étonnante de Ruka, la collégienne rebelle exclue de son club de basket pour avoir bousculé une camarade, avec Umi, un garçon plus à l’aise sous l’eau que sur la terre ferme et dont la peau brille lorsqu’il s’immerge. Piquée par la curiosité, Ruka passe bientôt son temps à l’aquarium où travaille son père, fréquentant assidûment le mystérieux jeune homme, ainsi que Jim, son protecteur. Elle apprend à apprécier le milieu marin, en découvre la diversité et s’inquiète, avec l’équipe océanographique, des phénomènes inhabituels qui se manifestent depuis peu. Ruka découvre aussi Sora, le « frère » d’Umi, plus ténébreux et plus fragile, qui semble devenir de jour en jour de plus en plus évanescent. Quelle est la nature véritable de ces deux-là ? Quel lien ont-ils avec la mer ? Et sont-ils les seuls de leur espèce ?
En ce début février, les éditions Sarbacane publient le premier et imposant volet des Enfants de la mer, signé Daisuke Igarashi, dont les connaisseurs avaient pu découvrir, il y a quelques années, trois diptyques (Hanashippanashi, Petite forêt, Sorcières) imprégnés d’onirisme et de poésie, qui n’étaient pas sans rappeler peu ou prou l’univers d’Hayao Miyazaki. Dans cette nouvelle œuvre, comprenant déjà quatre tomes au Japon, l’un et l’autre aspects sont également présents et sous-tendent la trame d’un conte écologique sur le monde aquatique.
Après une courte introduction, le récit se déroule selon un rythme posé, passant par la présentation progressive des protagonistes et la mise en place des mystères qui entourent Umi et Sora ainsi que le milieu marin. Il est par ailleurs ponctué par de courts témoignages – c’est ainsi qu’ils sont présentés – qui, tout à la fois, épaississent l’énigme autour des enfants de la mer et lève le voile sur certains éléments, attisant ainsi la curiosité quant à leur nature, leur origine et le secret de leur présence. Le discours est résolument tourné vers la thématique environnementale, omniprésente. Il est bien sûr question des méfaits de l’action humaine sur l’écosystème, mais aussi, et surtout, des nombreuses inconnues que recèlent encore mers et océans, celles-ci formant le lit de l’intrigue et permettent à toute la richesse fantastique de cette histoire de prendre corps. Cependant, le sujet ambiantal n’est pas le seul fil rouge du récit. L’amitié qui naît puis s’épanouit entre Ruka, la jeune fille au caractère peu facile, et les deux « frères » aussi dissemblables que le jour et la nuit tant au niveau physique que dans leur façon d’être, en est un autre, tout aussi essentiel et intelligemment mis en œuvre. Tous trois s’avèrent attachants et intrigants, chacun à sa manière, et ils animent avec force une narration au ton juste.
Graphiquement, le lecteur est littéralement happé par le trait réaliste et reconnaissable de Daisuke Igarashi. Ses représentations détaillées et soignées des fonds marins et des créatures qui les hantent émerveillent. Certaines planches invitant à la contemplation semblent même suspendre le temps, tant elles recèlent à la fois de beauté, de magie – celle de la nature – et de poésie. Les autres scènes, quant à elles, se révèlent tout aussi réussies, grâce à un découpage net et précis, ainsi qu’à une grande expressivité des personnages.
Un premier tome qui ouvre brillamment une jolie fable écologique et fantastique. À découvrir !
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