D
e loin, la famille Pratt pourrait faire penser à celle de Charles Ingalls. Cette famille catholique pratiquante qui a tout pour être heureuse compte dix enfants, cinq filles et autant de garçons, qui vivent de leur passion pour l’équitation dans un ranch familial paisible, réputé pour la qualités de ses chevaux. En y regardant d’un peu plus près, la situation est cependant déjà bien moins idyllique : se réfugiant derrière la volonté de Dieu, le patriarche viole régulièrement ses filles et n’hésite jamais à frapper ses proches pour imposer son autorité. Mais cela pourrait être pire… bien pire !
Après deux albums orchestrés par l’incorrigible Garth Ennis, ce sont David Lapham, au scénario, et Javier Barreno, au dessin, qui s’attaquent à cette deuxième saison de Crossed. Cette nouvelle équipe artistique ne propose pas la suite du récit, mais un one-shot situé dans le même univers. Si les personnages sont différents, le caractère ultra-violent, amoral et profondément malsain de la saga est conservé, comme en témoigne l’autocollant d’avertissement sur la couverture. Un sticker sur lequel, les termes "dérangeant, écœurant, trash et indigeste" auraient probablement également mérité leur place.
C’est donc le même virus qui plonge le monde dans une folie meurtrière et qui repousse encore un peu plus la frontière de l’horreur. S’inspirant des zombies décérébrés de George Romero, cette épidémie d’origine inconnue ne transforme pas ses victimes en pantins assoiffés d’hémoglobine, mais en créatures totalement dégénérées et particulièrement vicieuses qui commettent les pires atrocités avec le sourire aux lèvres. Si la petite bande de survivants qui tente d’échapper à la barbarie de ces pervers ultra-sadiques n’est plus la même, leurs chances de survie ne sont pas beaucoup plus élevées, surtout que l’horreur sévit également de l’intérieur.
Viols, démembrements, tortures, décapitations, cannibalisme, sexe, scènes scatologiques et autres sont donc à nouveau au menu de cette saga qui n’épargne rien à ses lecteurs. Bien loin de l’approche plus psychologique de Walking Dead, David Lapham conserve non seulement l’aspect gore de la série, mais prend également soin d’y ajouter une thématique religieuse et familiale qui permet de pousser le vice encore un peu plus loin. En spécialiste du genre, Garth Ennis parvenait néanmoins à envelopper son récit d’un humour noir salvateur, tandis que son successeur se contente de jouer la carte de la surenchère. Le même trop plein se retrouve d’ailleurs au niveau de l’explicité des textes et d’un rendu visuel qui s’amuse à multiplier les scènes chocs. Dans un style proche, mais moins maîtrisé que celui de Jacen Burrows, Javier Barreno propose quelques planches à la limite du soutenable, dont certaines impliquent des nouveau-nés.
À réserver à ceux qui, comme moi, ont apprécié les deux premiers tomes et qui désirent pousser le bouchon un peu plus/trop loin…
C’est tellement noir, tellement dérangeant qu'on peut même ressentir des difficultés à commenter.
Juste un voyage au bout de l'horreur. Dans le style, ça reste unique en son genre. A ne pas mettre en toutes les mains...
8/10