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ne chose est certaine : Michel Garandeau ne quittera pas le pays sans son fils ! Kidnappé par des révolutionnaires locaux, ce dernier n’a malheureusement toujours pas refait surface, mais son père semble bien décidé à suivre la piste d’Etienne, jusqu’au lieu de son enlèvement, à la Ciudad Perdida.
Après avoir adapté le roman de Jean Claude Izzo, Les marins perdus, Clément Belin s’associe à Serge Perrotin (Sphères, L'autre terre) pour un voyage en deux tomes au cœur de la Colombie. Initié par un rapt de touristes par une bande de guerrilleros, l’intrigue demeure simple et efficace et se détache très vite du récit à suspense pour s’orienter vers une quête identitaire et familiale. Suite à un premier volet prometteur qui invitait à découvrir une partie de ce pays qui n’est pas seulement célèbre pour son café, le lecteur retrouve Michel au sein d’une atmosphère multiculturelle, sur la piste d’un fiston dont il se rapproche au fil des pages, même s’il n’est pas certain de le retrouver vivant.
Si la "recherche du père" est souvent abordée au sein du neuvième art, ce road-movie initiatique en sens inverse, qui se concentre principalement sur les sentiments enfouis de cet ouvrier qui franchit pour la première fois les frontières de l’Hexagone, sort, à ce titre, un peu des sentiers battus. Au fil de ses doutes, de ses questionnements et de ses rencontres, cet homme casanier effectue un voyage introspectif, remettant constamment son rôle de père en question. En entamant ce long périple, il part non seulement à la découverte d’une facette du monde qu’il ne connaît pas, mais vit également une aventure humaine extrêmement riche, qui lui permet de faire le point sur ce qu’il est devenu.
Voguant par moments à la frontière entre le carnet de voyage et le journal intime, ces pérégrinations paternelles sont accompagnées d’une colorisation aux tons pastels qui accompagnent parfaitement les états d’âme du personnage principal et les différentes étapes de ce périple. Des paysages idylliques du début d’album à la moiteur de la jungle colombienne, en passant par le village des Indiens kogi, le style semi-réaliste de Clément Belin ne cherche jamais à en faire de trop, mais se contente de renforcer le côté intimiste de cette aventure dépaysante.
Beaucoup de parents perdent le contact avec leurs enfants au fil des ans, alors mieux vaut ne pas attendre qu’ils disparaissent vraiment pour essayer de renouer les liens…
Une belle histoire sur l’absence, à travers le lien qu’un père à l’affection rustaude et son fils, disparu lors d’un voyage en Amérique du sud, n’ont jamais eu, et que le premier découvrira au terme d’un périple révélateur.
Ces deux tomes sont vraiment plaisants et constituent un récit solide, intelligent et bien illustré. Le dessin manque sans doute d’un peu de finesse mais Belin ensemence ses cases de nombreux détails bien observés en usant d’une palette agréable de couleurs très sobres qui donnent une épaisseur réaliste à l’ensemble.
Des personnages attachants, un environnement documenté et dépaysant, un rythme en pointillé, de l’émotion… « Au nom du fils » m’a offert un excellent moment de lecture !