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imanche 28 Août 2005, le comté de La Nouvelle-Orléans retient son souffle, dans l’attente du pire ouragan que la région ait connu depuis des décennies. Des centaines de milliers de citadins ont fui la ville devant l’approche de Katrina, mais d’autres, généralement les plus pauvres, guettent anxieusement les signes de la tempête imminente. Le cyclone frappe la côte dans la nuit, des vents de 280 km/h ravagent la province, des vagues de onze mètres balayent le littoral. Maisons soufflées, toitures envolées, fenêtres brisées, murs effondrés, les dégâts sont colossaux. Mais le pire reste à venir. À peine passé ce déchainement climatique, alors que la population se croit saine et sauve, se répand la nouvelle : les digues ont cédé. Le lac Pontchartrain se déverse par de multiples brèches dans la ville basse, piégeant ses habitants. Au total, on dénombrera quelques 1836 victimes et, dommage collatéral, un sentiment d’abandon jamais éprouvé à ce point envers l’État.
Car il faut dire que plus que la violence des éléments, ce qui a frappé les sinistrés, ce sont l’incurie gouvernementale, l’absence totale de préparation des autorités, la gestion calamiteuse du drame par les instances en charge de la prévention et la sécurité civile. Non seulement les administrations étaient restées sourdes face aux alertes sur l’état des digues, mais l’organisation des secours s’est révélée indigne de celle qui se proclame première puissance du globe. Les ONG et les bonnes volontés individuelles ayant dû pallier les manquements des institutions, c’est en tant que volontaire de la Croix-Rouge que l’auteur, Josh Neufeld, débarque sur les lieux du drame, un mois après les évènements. L’ampleur des destructions et le désarroi de la population le frappent si fort qu’il entreprend bientôt de raconter ce qu’il voit et commence à recueillir des témoignages de survivants. Quatre années durant, via un blog, il élabore ce qui est devenu ce livre, cette poignante restitution de la catastrophe.
Cinq récits se croisent ainsi, cinq témoins privilégiés entremêlent leurs souvenirs, déroulant parallèlement le fil de leur histoire, dressant un panorama complet du cataclysme et de ses conséquences. Il y a là Denise, forte femme combative, restée pour s’occuper de sa famille, Abbas, l’épicier iranien qui campe dans sa supérette avec son compagnon de pêche pour la protéger des pillages, Kwame, l’étudiant noir fils de pasteur qui fuit la ville en famille, le docteur Brobson, riche praticien du quartier français resté là « parce que le quartier n’a jamais subi de dommages », et Leo, jeune travailleur social, fan de comics, réfugié au nord de la ville avec sa compagne Michelle.
La simple restitution chronologique du désastre suffit à créer une intensité dramatique saisissante : les premières pages montrant l’avancée de l’ouragan instillent un sentiment d’angoisse qui ira croissant, jusqu’au passage paroxysmique du cyclone. Puis, la description de l’inexorable montée des eaux porte vers un nouveau sommet cette impression d’impuissance absolue qu’ont pu ressentir les protagonistes. Enfin, le témoignage privilégié de Denise sur les milliers de réfugiés laissés sans assistance dans un Super-Dome cerné par les eaux, des jours durant, par une chaleur suffocante, est dantesque au possible, et hautement révélateur du mépris envers la population qui a présidé à l’abandon de celle-ci à son misérable sort. L’album se conclut par une sobre transcription du retour au bercail des héros ordinaires de ces évènements, retour parfois fugace pour ceux qui ont tout perdu, et propose un bref aperçu de la situation de chacun, trois ans après les faits.
Parfois entrecoupé de larges vignettes en double pages, rythmant efficacement la démarche narrative, le récit se compose de courts chapitres relatant la progression de la catastrophe, jour après jour, chacun d'eux ayant un traitement - monochromatique - différent. L’encrage est particulièrement soigné, malgré le souci du détail qui prévaut dans la plupart des scènes, et le dessin allie expressivité et lisibilité avec une égale maitrise.
Une réussite de plus à mettre au crédit de cette riche école du reportage dessiné qui fait florès actuellement, A.D. La Nouvelle-Orléans après le déluge s’avère aussi rigoureux dans la démarche journalistique que réussi d’un point de vue technique et poignant humainement parlant. Une œuvre à lire absolument pour appréhender le comportement de citoyens ordinaires face à des situations extraordinaires.
Katrina a été l'une des pires catastrophes naturelles que les Etats-Unis ont connu ces dernières années. C'est l'une des plus belles villes américaine aux origines françaises qui a été sévèrement touchée. Ce one-shot est un témoignage qui retrace l'itinéraire de 5 familles qui ont connu des sorts différents. En effet, il y a ceux qui ont fuit la ville comme 90% de la population. Il y a également les 10% restants parmi les plus pauvres qui n'avaient pas les moyens de partir.
C'est clair que des pays comme le Bangladesh connaissent des moussons et des inondations qui font plusieurs milliers de victimes et cela passe dans l'indifférence générale. Quand il s'agit des USA, tout le monde a le regard tourné. Il y a des injustices dans le traitement des médias et de l'attention qu'on ne pourra changer.
J'ai su que l'administration Bush avait plutôt assez mal gérer les conséquences de cette catastrophe humanitaire. Je ne savais concrètement que c'était à ce point et que cela a entraîné la mort de rescapés qui n'avaient pas même pas de bouteille d'eau alors que l'armée circulait mitraillette à la main. Bref, cet ouvrage apportera un éclairage sans concession et sans parti pris sur ce nouveau déluge des temps modernes.
Le style graphique proche de celui de Daniel Clowes ne m'a pas trop séduit. La narration est parfois indécise et beaucoup trop anecdotique. La colorisation manque. Malgré ces défauts, on sent que l'auteur a voulu retranscrire de manière honnête la réalité. Pour autant, j'espérais sans doute autre chose qu'un traitement documentaire sur le sujet.