T
out le monde connaît le jour de sa naissance, mais personne ne sait quel sera celui de sa mort. Non pas la date, mais le jour. Achille a entendu la prophétie : il mourra un mardi. La mouette messagère ne lui a pas dit à quelle date, ni à quelle heure, juste un mardi. Lui qui passait son temps à scruter l'horizon en attendant que sa belle revienne, il ressent maintenant une soudaine envie de quitter son île et de se lancer à l'assaut de la ville. Mais Achille souffre d'un handicap : à force de rester sur la plage, ses pieds se sont enracinés. Pour partir, il doit les couper. Menuisier comme son père, il se crée des pieds en bois, vissés au reste de son corps, et peut alors tenter de retrouver son amour de jeunesse. Mais osera-t-il se montrer comme il est, avec sa différence ?
Onirique et métaphorique, Nicolas Vadot l'était déjà dans l'album Neuf mois, dans lequel il mettait en scène un futur père de famille se retrouvant, par hasard, dans un désert blanc au volant d'une Chevrolet de1968. Ici, le dessinateur nous entraîne en Australie, pour une histoire originale, teintée de fantastique voire de féérie. Pourtant, Nicolas Vadot, habitué aux illustrations de presse, aborde un dessin direct, plutôt réaliste et assez rigide. Son approche est loin de la féérie que le « pitch » pouvait laisser supposer. Ses couleurs franches, son cadrage strict et style un peu vieillot tranchent avec le lyrisme dans lequel le récit se complaît. Quelques mises en pages et astuces graphiques sont alors les bienvenues pour rehausser une approche graphique un peu terne. Cela rend mieux justice à la narration. Plus que le scénario lui-même, il faut lire entre les lignes et comprendre les métaphores que Nicolas Vadot met en place. « Partir, c'est mourir un peu » disait le poète Haraucourt qui poursuit « C'est mourir à ce qu'on aime On laisse un peu de soi-même En toute heure et en tout lieu. » Achille illustre parfaitement cette citation, qu'il paye de son être.
Vadot dote surtout son personnage d'une phobie du mardi, où un simple moustique est source d'angoisse incontrôlée. Achille se croit maudit ce jour là et protégé le reste de la semaine. Cette invincibilité six jours durant ne suffit pas pour l'aider à réaliser ses rêves. Il se consume le mardi, n'osant pas quitter son lit et détruit tout ce qu'il a entreprit les autres jours. Là encore, les cases portent à réfléchir sur son existence et sur l'équilibre entre les choses : un septième d'une semaine peut-il suffire à gâcher le reste, une infime partie de malheur peut-il peser plus lourd que le bonheur ? Vadot pose les questions, les illustre, leur confère parfois du caractère, mais laisse à chacun le loisir d'y répondre. Cela peut laisser sur sa faim, en même temps, c'est tout le charme de la métaphore.
Voilà un jeune auteur qui ne m'a pas déçu avec des titres comme Neuf Mois ou encore 80 jours. J'aime bien son style d'écriture et ses dessins. Il innove également avec le concept d'édition participative. Les bdphiles internautes ont eu du flair car ce diptyque est véritablement de qualité.
Et puis, il y a surtout la manière de raconter une histoire avec une morale toujours sauve: le handicap et la superstition ne doivent pas nous arrêter pour réaliser nos projets de vie.
L'imagination de l'auteur semble sans limite avec des petits trucs qui font mouche comme l'enracinement de l'homme dans tous les sens du terme. L'onirisme se mélange avec humour et intelligence. Qui a dit qu'il fallait vivre chaque jour comme son dernier ?
Album en édition participative, je ne connaissais pas le principe mais les personnes qui ont soutenu le projet sont des Bédéphile car cet album est splendide.
Un graphisme et un découpage collant au texte, vivement la suite.
Je connaissais pas Nicolas Vadot, ni même ce qu' il faisait comme dessin dans les journaux belges. Mais franchement, quand j' ai vu Maudit Mardi ! chez mon libraire, je l' ai prit, l' ai ouvert et le dessin m' a donné envie de le lire. Je l' ai donc acheté et je ne regrette pas car ça sort de l' ordinaire. C' est étonnant !
Genialissime !
Voilà un album qui sort vraiment des sentiers battus. Le pitch est ... mortel, et il flotte une bonne dose de mystères dans les dessins de Vadot. J'ai vraiment été transporté par l'histoire.
Je le connaissais pour son travail dans la Presse, je découvre avec grand plaisir ses talents de bédéscénaristateur. Hâte de lire la fin du cycle avec le deuxième tôme.