À 15 ans, Faustine vit entre son père, un homme à tête d’oiseau continuellement absent, les enregistrements qu’elle adresse à sa mère, le lycée, son ami Samir, éternel glandeur, et des voisins un peu bizarres. Un soir, son paternel lui conte l’expérience de jeunesse qui l’a conduit à appréhender le monde autrement, avant de disparaître une énième fois. Esseulée, Faustine entame un roman de Jules Verne, épie les bruits étranges du nouveau locataire et fume des joints avec Samir. Jusqu’au jour où, prise d’une migraine terrible et n’ayant plus d’aspirine sous la main, elle ouvre la pharmacie du théâtre de son père et y découvre des dizaines de bocaux remplis de pilules luminescentes. Malgré l’absence d’indications et une certaine appréhension, elle décide d’en avaler une…
Ce qui frappe d’emblée dans ces Fragments de l’oubli, ce sont le ton monocorde des voix-off (sur fond rose pour Faustine et bleu pour son géniteur) et des dialogues, ainsi que l'emprise de la grisaille sur le dessin. Cet aspect terne s’accorde parfaitement avec le quotidien morne – bien que peu commun – de l’héroïne, sa résignation apparente, son fatalisme, et la réalité maussade et déprimante d’une banlieue HLM sous la pluie. Le rythme lent de la narration, la pesanteur ambiante, le propos sombre contribuent également pleinement à créer une atmosphère lourde, dépourvue de toute joie, de toute source lumineuse, comme si le spleen n’avait pas de fin.
Totalement happé, contaminé par cette morosité suintante, presque aussi accablé que les protagonistes, le lecteur est pris entre la vacuité désespérante de leur existence et le fantastique qui affleure par de nombreuses touches – un homme-oiseau, son expérience au-delà du réel, le cauchemar de Faustine -, avant de s’imposer à la fin de l’album. Celui-ci s’achève d’ailleurs sur un beau suspens qui donne furieusement envie de connaître la suite et de trouver les réponses aux questions qu’il soulève. Et ce, même si la lecture ne conquiert pas vraiment en raison d’un manque d’empathie avec les personnages, Faustine comprise, et d’un récit trop plat, trop linéaire.
La grande réussite des Fragments de l’oubli réside en effet essentiellement dans le graphisme de Serge Annequin qui livre ici une belle copie, rehaussée de quelques couleurs bienvenues, plutôt que dans une histoire qui, de prime abord, laisse un peu perplexe. À lire un jour de beau temps, si on veut conserver le moral, ou de nuit et par temps pluvieux si on préfère s’imprégner totalement et ressentir des frissons.
Encore une de ces bds prise de tête qu’il faut apprécier de lire quand on cherche à sortir des sentiers battus. Je me dis qu’il faudrait certainement appartenir à ce public en quête d’autres choses pour aimer l’étrangeté de cette histoire mettant en scène une fillette un peu paumée dans une ville sans âme.
Le père a d’ailleurs une tête d’oiseau sans que l’on ne sache la raison. On ne sait pas s’il est vivant ou mort. On ne sait où est passé la mère de cette enfant aux réflexions très stranges à la limite d’un effet poétique pour donner l’illusion de la consistance. On rencontrera au détour de ce récit une vieille voisine un peu caricaturale ainsi qu’un copain adepte du pétard. Personnellement, le grunge ne m’attire pas vraiment.
J’essaye de tirer un peu de positif dans tout cela mais je dis tout haut que ce n’est décidément pas mon genre de lecture. J’avoue cependant que la chute finale m’a bien plu car une énigme semble résolue même si cela appelle de nouvelles questions, par exemple sur le voyage temporel. Mais bon, je n’ai pas très envie d’en savoir plus. C’est dire. Des fragments de l’oubli que j’oublierai vite.