L
in Li-Chin est née en 1973 à Taiwan. À cette époque, l’île n’est pas encore la jeune démocratie qu’elle est actuellement. Bien au contraire. Le pouvoir est encore dans les mains de Chiang Kai-Chek (Jiang Jièshí), chef des troupes nationalistes de la Chine continentale et président de la république de Chine, qui s’y est réfugié après la défaite contre les troupes communistes de Mao Tsé-toung (Máo Zédōng). Les Taïwanais de souche, qui pensèrent alors être enfin libres après un demi-siècle de présence japonaise, déchantèrent vite. Une nouvelle occupation les attendait, beaucoup plus pernicieuse puisque venant de leurs « frères » du continent.
Presque trente ans après, c’est dans une société contrainte que grandit Li-Chin. La culture propre à l’île est passée sous silence au profit d’une version chinoise standardisée par la minorité tenant le pouvoir. La langue et les dialectes propres à l’île sont remplacés par le mandarin. Les livres apprennent aux écoliers l’histoire de la Chine continentale, le tout à la gloire de Chiang le père. Sans oublier bien sûr de distiller l’esprit de lutte contre les traîtres communistes et contre l’ennemi japonais. Plusieurs générations vont subir cet endoctrinement, tiraillées entre la pensée officielle et une réalité beaucoup plus complexe. C’est ce que nous raconte l’auteur. Formatée par le système éducatif, elle va se confronter, petite, au sein de sa famille, à tout ce que le système lui demande de rejeter : la nostalgie de ses grands-parents envers la période japonaise, l’attitude de ses parents qui continuent à parler le taïwanais (holo, ou hé luò 河洛, aussi de plus en plus appelé tái yŭ 台語 de nos jours). Si toute petite, elle semble vouloir nier ses origines pour devenir ce qu’elle ne sera jamais, une pure chinoise, elle se rend vite compte qu’il y a une autre voie, et que la culture de ses ancêtres, et même celle de l'ennemi nippon, peuvent être toutes aussi intéressantes.
Malgré la gravité du sujet dont il traite, cet album n’est pas un traité historique sur l’histoire récente de Taïwan. Il est le point de vue, forcément particulier, d’une personne qui témoigne ici de ce qu’elle a vécu. C’est peut-être une de ses faiblesses tant il manque parfois une explication plus approfondie pour bien saisir certains aspects géopolitiques. Mais il est difficile de le lui reprocher tant le sujet est complexe. Côté formel, l’aspect notes de carnet – crayonné -, ainsi que certaines difficultés de lisibilité pour associer images et textes correspondant pourront éventuellement en gêner certains.
Il n’en reste pas moins que cet ouvrage est primordial pour qui veut comprendre la réalité de l'île, loin des clichés la réduisant à une province chinoise. Il a surtout le mérite de montrer les multiples facettes d’une société partagée entre plusieurs influences, contre son gré, et de nous présenter un pays méconnu qui cherche à retrouver son identité propre et à prendre enfin en main son propre destin, à l’heure où d’autres voudraient le lui reprendre. À lire.
excellent, pour le gens comme moi qui ne connaisse pas Taiwan et son histoire, cette album vous l'explique de manière simple et sympathique. le dessin de Lin Li-Chin amène la touche d'humour nécessaire à la découverte de cette histoire complexe. A découvrir absolument.