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adraig Wantage, lord of Weston, est un aristocrate bâtard né au XIXè siècle de mère irlandaise et de père anglais. En fils de la verte Erin, il porte en lui le poids des exactions et des famines subies par ses compatriotes et, poussé par les vents de jadis, il va s'embarquer vers la lointaine Tasmanie pour y vivre une traditionnelle chasse au trésor.
Ces deux premiers tomes (un troisième, Pour que vive l'Irlande, est à paraître en 2012) sont aussi pour le lecteur un voyage vers le passé... de la bande dessinée d'aventure des années cinquante ! Le scénariste Jean Ollivier (1925-2005, Padraig est donc une parution posthume), pilier historique et prolifique de Vaillant dès 1945, et successeur de Charlier pour six épisodes de Barbe-Rouge, inscrit son héros dans la longue lignée des redresseurs de torts et prodigueurs de conseils moraux tels ses prédécesseurs de la Haute-Êpoque, les Ragnar le Viking, Doc Justice ou Rahan. Mais cette tonalité militante et dénuée d'humour est tempérée par l'atmosphère messianique de cette ode à la pauvreté magnifique de la terre d'Irlande. La Gardienne des secrets poussera Pardaig au voyage initiatique à la recherche de ses racines. Cette première partie restitue bien le ton de la tragédie antique, le climat sombre où perce une poésie hantée et chantée.
Un mystérieux testament de matelot trouvé sur une brocante est un mac-guffin qui nous fait espérer des rebondissements exotiques. Ils ne sont pas au rendez-vous, le deuxième album voit l'action fléchir, la Tasmanie de Ollivier est loin des îles aux trésors de Stevenson ou Hergé. Autant la première partie était riche en épisodes historiques, en paysages et habitats, en vocabulaire et ambiance marine, autant la suite paraît convenue et déroule les poncifs du genre, incluant une idylle platonique et guindée qui corsète, s'il en était encore besoin, le héros. La lecture s'accélère, et dès lors il se produit ce phénomène avéré de la concentration prioritaire du regard sur les textes qui défilent, les images étant alors perçues comme flottant à la périphérie... Le trait de Max Lenvers, discret, quasi évanescent, se prête bien à cette approche "glissée". Les compositions du début figeaient davantage le récit en proposant des illustrations didactiques, semblables à celles qui ornaient les livres d'Histoire de l'après-guerre. Le style de Lenvers n'a pas l'élégance de Gillon, son confrère en aventure maritime (dans Jérémie, par exemple), ni la souple netteté d'un Hubinon, mais il possède un atout : sa fragilité évocatrice ! Les quelques coquilles du lettreur-coloriste sont rachetées par la discrétion chromatique de sa palette.
Le souffle conradien du premier opus se mue donc en zéphir à la Delly dans le second. La suite annonçant un retour vers l'Irlande et ses puissantes ressources narratives devrait, espérons-le, ranimer la flamme.
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