D
ans une petite ville du sud du Middle West, des gosses s’apprêtent à disputer un match de foot. Alors que les équipes se forment, le petit gros de la bande n’est à nouveau pas sélectionné et se retrouve finalement spectateur de la rencontre. Exclu, rejeté, le garçon s’évade alors dans un monde imaginaire où un robot géant surgit de nulle part pour venir piétiner ses camarades de jeu. Enfilant son armure bionique, il peut alors sauver les filles de sa classe et devenir un héros adulé de tous. Malheureusement pour lui, la réalité est tout autre et ce n’est là que le début d’une longue période de solitude et de brimades, dans un univers où les enfants savent parfois être encore plus cruels que le monde qui les entoure.
Deux fois nominé aux Eisner Awards (Best Single Issue en 2007 et Best Graphic Album en 2009), Skyscrapers of the Midwest est un roman graphique intimiste, inspiré de l’enfance de l’auteur. Joshua Cotter y décrit le quotidien et les sentiments d’un jeune garçon mal dans sa peau, qui tente de franchir les difficultés de la pré-adolescence au cœur de l’Amérique rurale.
Timide et réservé, mal à l’aise dans ce corps potelé, il n’a pas vraiment d’amis et s’accroche à son jouet préféré : un robot qui l’aide à affronter les problèmes qu’il rencontre à l’école et à la maison. Fan de comics, il se réfugie dans un monde où il peut laisser libre cours à son imagination et remodeler son quotidien en compagnie de son héros Nova Furtif. Véritable mécanisme de protection, ses rêveries lui permettent d’échapper momentanément à son mal-être et d’affronter ses déceptions, ses soucis, sa solitude et ses chagrins. C’est avec grande maestria et à travers des passages oniriques parfois surprenants, que l’auteur esquisse le rôle tenu par la fantaisie dans le processus de traitement d’émotions complexes chez les plus jeunes.
En optant pour des personnages aux visages ronds et à l’apparence féline, Cotter leur donne une apparence attachante (mais parfois trop ressemblante), qui contraste admirablement avec la dureté des thèmes abordés et avec la morosité de l’environnement ambiant. L’intégration d’extraits de journaux et de courriers de lecteurs issus de la feuille de chou locale, ainsi que de fausses publicités incitant ironiquement à consommer une marque de cigarettes conseillée par le corps médical, peut initialement sembler superflue, mais contribue à dépeindre le monde dans lequel évolue ce pauvre binoclard qui tente désespérément de fuir l’ennui et la frustration. Cette toile de fond composée de nombreuses annexes à l’histoire principale peut certes déstabiliser, mais permet néanmoins à l’auteur de livrer une critique sociale acerbe de cette partie des États-Unis où les silos à grain font office de gratte-ciel.
Les Gratte-Ciel du Midwest est un livre à part, pas forcément facile d’accès, mais qui dresse un portrait unique et touchant d’une adolescence torturée dans l’Amérique rurale des années 80.
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