A
ppuyé par l’Empereur, le duc Alexandre de Médicis règne sans partage sur Florence. Débauché notoire, il s’abîme dans une succession de plaisirs que lui fournit généreusement son jeune cousin. Toujours dans l’ombre du tyran, celui que le peuple surnomme avec dédain Lorenzaccio semble plus perverti encore que son maître. Pourtant, sous le masque du vice, l’ange déchu a conscience de la soif de liberté de ses concitoyens et des velléités de résistance des républicains réunis autour du vieux Strozzi. Le temps est peut-être venu d’agir, de changer les choses, par un simple geste. Mais en est-il encore temps ?
Des adaptations de pièces de théâtre en bandes dessinées, il y en a déjà eu quelques-unes, cependant aucune n’a eu jusqu’ici l’envergure du Lorenzaccio de Régis Penet (Marie des loups, Les nuits écorchées). Non content de s’attaquer à un incontournable des classes de lettres du secondaire, l’auteur s’approprie totalement l’œuvre d’Alfred de Musset et va même plus loin en y mêlant deux poèmes du dramaturge français. Un heureux mariage, puisque La nuit de décembre et Tristesse traitent des mêmes thèmes liés au romantisme que la tragédie : mal-être, rêves idéalistes sombrant dans le désenchantement et soif de liberté.
Le résultat impressionne, tant Régis Penet parvient avec brio à s’approprier l’œuvre originelle pour en livrer une version magnifiée et baroque. En effet, loin de paraître ampoulée ou handicapée par le style littéraire pourtant omniprésent, cette version dessinée est portée par un véritable souffle épique qui tient non seulement du verbe lui-même, mais aussi de la personnalité tourmentée de Lorenzaccio. De plus, un fort sentiment d’atemporalité se fait sentir, dû au choix du scénariste de dépasser les strictes limites du XVIe siècle florentin, pour ajouter des rappels visuels de l’époque de Musset à travers l’architecture et des vêtements évoquant le XIXe siècle. Modernisée, la pièce ne perd pas non plus sa théâtralité. Celle-ci est amplifiée par une mise en scène soignée qui marie habilement les passages plus introspectifs à une succession d’événements qui annoncent et préparent l’inévitable chute. D’ailleurs, pour dense que soit le propos, il n’en est pas pour autant indigeste ou difficile à appréhender, bien au contraire.
Graphiquement, la réussite est également au rendez-vous, car Régis Penet livre ici une fresque toute de délicatesse et de puissance, une ode à la fois sombre et flamboyante. Son trait expressif, son sens de la découpe, son habilité à rendre non seulement les atmosphères mais aussi les états d’âme trouvent ici un terrain idéal. La couverture, à elle seule, donne le ton, forcément noir. Les planches se révèlent toutes plus éloquentes les unes que les autres, qu’il s’agisse de celles montrant Lorenzaccio face à ses démons intérieurs ou celles évoquant les fastes du carnaval florentin. La restitution par le dessin de moments qui, dans la pièce, ne sont que rapportés par les protagonistes et non joués, contribue à donner de l’épaisseur à l’histoire et à la fluidifier tout en l’éclairant. En outre, le dessinateur se plaît à parsemer ses pages de références visuelles que le lecteur averti saura pleinement goûter. Enfin, la mise en couleurs parvient à créer de véritables ambiances, la colorisation virant, au gré des événements, d’un panaché de multiples nuances, à une déclinaison de noirs et blancs qui, tout au long de l’album, caractérise le personnage principal.
Ce Lorenzaccio de Régis Penet marque par son souffle épique, sa grandeur et sa représentation magnifique et cruelle d'un certain romantisme. Si elle pourra paraître très littéraire à certains, cette BD se révèle une adaptation de haut vol et d'une qualité indéniable. À découvrir !
Cela n'a rien de personnel mais je n'ai pas aimé cette œuvre tirée d'Alfred de Musset. Il faut dire que je n'apprécie pas le style littéraire incarné par ce célèbre dramaturge. Objectivement, certains trouveront que l'adaptation est talentueuse sur le fond et la forme.
J'avoue fort bien ne pas être entré dans l'histoire romancée de ce jeune tyran à la cour de Florence sous le règne de l'empereur Charles Quint qui le protégeait. Pour autant, les costumes font penser à ceux d'avant la Première Guerre Mondiale. Bref, un anachronisme qui m'a fort titillé même si cela peut s'expliquer par le désir d'intemporalité de l'auteur afin de sublimer l’œuvre.
Pour le reste, c'est du verbiage façon théâtrale avec les masques de carnaval en prime. Graphiquement, rien à redire avec une ville de Florence architecturalement belle et décadente. Cependant, qu'est-ce que le style est indigeste ! Je n'ai pas supporté. Cela me rappelait les cours de français où l'on nous obligeait à lire des œuvres littéraires assommantes.