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nitialement paru en 1978 en Italie, en N&B et dans un format classique, Gallimard offre aujourd'hui une seconde naissance à ces Aventures de Huckleberry Finn, avec une sobre colorisation et, surtout, ce choix judicieux du grand format à l’italienne où se développent pleinement les charmes captivants du graphisme du dessinateur. Originellement conçu comme un travail de commande pour son éditeur, Lorenzo Mattotti, alors jeune auteur débutant, a pourtant mis tout son cœur à l’adaptation de ce livre fondateur du roman américain. Il a réuni une abondante documentation sur le Mississippi du XIXème siècle et son iconographie mythique, ses vapeurs à aube, son débit capricieux, ses brumes traitresses… de même qu'il a peaufiné l’apparence de ses personnages, puisant dans les trognes et dégaines emblématiques des westerns spaghetti de l’époque.
Avec l’aide du scénariste Antonio Tettamanti, il a sélectionné les scènes marquantes du roman de Mark Twain, la rencontre d’Huck avec Jim l’esclave en fuite, leur vie recluse sur l’île au milieu des flots, leurs pérégrinations en radeau au fil de l’eau, les ruses pour éviter les chasseurs d’esclaves, les manœuvres pour ne pas se faire éperonner par les vapeurs lancés à pleine vitesse. Et puis les rencontres. Huck pris dans la vendetta opposant deux familles de riches fermiers. Huck et Jim s’acoquinant avec deux filous, picaresques gredins imposteurs et charlatans, abusant les villageois au long du fleuve. Les ultimes péripéties avec Tom Sawyer, jusqu’au dénouement - heureux.
Par-delà cette belle transposition d’un classique absolu de la littérature mondiale, ce qui intéressera également l’amateur, c’est de voir l’émergence du talent de Mattotti, déceler ici ses figures chaloupées, ses héros aux jambes arquées tanguant vers leurs destinées, si caractéristique du style de l’auteur. Admirer là son encrage puissamment expressif et dynamique, son pinceau déjà audacieux parcourant les cases en toute liberté. Observer, encore, ses arrière-fonds tracés d’un crayon fin et sinuant, portant la marque de l’héritage des Pratt et Toppi. Cette cohabitation des premiers plans brossés à larges coups et des lointains finement esquissés donne une remarquable profondeur aux paysages, profondeur encore renforcée par la colorisation subtile de Céline Puthier, privilégiant les ocres et les bruns, teintes terreuses s’opposant aux gris froids des eaux du Mississippi.
Une indéniable réussite que cette publication, ode vibrante à la liberté, archétype du roman d’itinérance et d’apprentissage, où les deux héros savent conjuguer ruse et malice à leur optimisme naïf quand il s’agit de prendre soin l’un de l’autre. Que le lecteur soit un inconditionnel de Mattotti souhaitant découvrir une œuvre de jeunesse du transalpin, ou simplement curieux de lire cette réappropriation du livre de Mark Twain par un dessinateur talentueux, sa motivation se verra récompensée par un plaisir certain.
Bon album mais pas totalement convaincu par le découpage parfois un peu abrupte, ni par le style et la colorisation monotone malgré l'emploi de couleurs vives. Ile st vrai que l'original était déjà très foncé.
Une excellente adaptation d'un roman fondateur de la littérature américaine. Achat "coup de cœur" en librairie, il m'a fallu la postface de l'auteur pour apprendre qu'il s'agissait de la version colorisée avec talent d'un travail datant déjà de 30 ans ! A découvrir absolument.