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enjamin Tartouche souhaitait se lancer dans la vie professionnelle comme travailleur indépendant. Aujourd’hui, il est mort. Un tragique concours de circonstances l’a amené à perdre tout ce qu’il possédait lors de l’incendie de sa maison. Cependant, il doit sa perte et sa descente aux enfers à son assureur, ce personnage malhonnête qui, en bloquant le processus d’indemnisation, a contraint notre jeune homme à la mendicité et à la vie sans abri. Alors que Benjamin est mis à la rue, rejeté par tous, l’accident qui lui ôte la vie apparaît comme une cruelle injustice. Commence alors une découverte du purgatoire et du chemin de la rédemption. Il faut payer pour chaque mauvaise action menée durant sa vie, et la mort n’est pas aussi tranquille que l’on peut le penser.
Christophe Chabouté a surpris tout le monde avec le premier tome. Il nous invite à suivre le récit dramatique d’un jeune homme face à l’inhumanité d’une société où seul le profit compte. Pourtant, un peu de générosité aurait suffi pour éviter cette tragédie. Cette fiction, puisqu’il s’agit bien d’une fiction, est dérangeante parce qu’elle fait de nous les voyeurs impuissants d’évènements devenus banals. Le récit est touchant et aurait très bien pu s’arrêter ainsi, avec la froideur de cette sombre fin. Cette descente aux enfers du jeune Benjamin Tartouche n’est que le prologue d’un récit abordant le thème de la mort et du devenir des âmes après celle-ci. Chabouté tente d’y répondre à sa manière.
Ce deuxième tome est différent. Ce sentiment d’injustice si présent au tome précédent fait place à un ton plus léger. L’humour y est présent sous la forme d’un second degré de qualité. Pas de plaisanterie gratuite, chaque bon mot est empreint d’une grande ironie et d’une certaine vérité. En choisissant cette voie, Chabouté évite ainsi de répondre aux trop nombreuses questions posées lorsque l'on évoque des sujets aussi ouverts que la mort et de l'éventuel destin de chacun après la vie. Très vite, il évacue les éventuelles implications religieuses : le purgatoire est le même pour tous les hommes, quelles que soient leurs croyances. Seule la forme change, le fond reste le même. Il en a fait un endroit où tout est rationnel et où chaque homme a des comptes à rendre. Et Benjamin Tartouche n’échappe pas à la règle. Il va redécouvrir son existence et devra admettre qu’il n’était pas aussi exempt de tout reproche qu’il voulait bien le croire. Il va devoir redescendre sur terre et faire le bien, en tant que conscience. L’ironie de la situation est qu’il ne connait pas l'identité de celui dont il sera l’ange gardien.
Christophe Chabouté retrouve le noir et blanc pour matérialiser ces bonnes âmes venues pour tenter d'obtenir leur rédemption et accessoirement aider les humains sur terre. L'alliance entre ces personnages en noir et blanc sur ces cases en couleurs est une grande réussite. C'est également une grande trouvaille visuelle : pas d’effets à l’ordinateur, juste une simple absence de couleur et l’effet obtenu est saisissant. Dans cette Partie 2, au ton plus léger, Chabouté s’est amusé à dessiner quelques personnages célèbres pour les différentes consciences, Einstein ou Brassens pour les plus identifiables.
Il était difficile d’imaginer faire mieux que le premier tome de Purgatoire, tant le récit était émouvant, dur et profond face à cette tragédie humaine. Pourtant, ce second tome est à la hauteur du précédent. Le propos est plus léger, plus ironique, mais tout aussi intense grâce à cette vision personnelle du paradis et de l’enfer que nous présente Christophe Chabouté. Vivement le dénouement de cette série qui s’annonce déjà comme une œuvre marquante de la Bande Dessinée.
Autant comme le volume 1 était noir autant comme celui ci change de registre. La vision du purgatoire est très originale et le propos pragmatique et poétique. Le cadre suréaliste ne fait aucune allusion à la religion et l'approche décalée de la mort prête malgré tout à sourire. Cette ambiance est servie par des dialogues et des planches superbement travaillés. Benjamin se doit de remettre une âme dans le droit chemin avant de prendre l'asenceur qui mène en haut... Seulement voilà, drôle de boulot car une seule âme lui est destinée et il doit la trouver parmi des milliers de gens. Il semblerait finalement que cette âme à sauver soit celle d'une personne que déteste particulièrement Benjamin. Alors, mission impossible ?!