15 Juin 2009. Près de trois millions de personnes défilent dans les rues de Téhéran pour protester contre les élections truquées par les conservateurs au pouvoir voulant contrer la victoire promise aux réformateurs. La nuit qui s’en suivit fut marquée des exactions des bassidjis, les milices du pouvoir islamique, et de la police : arrestations arbitraires, répression aveugle, des centaines de manifestants disparurent cette nuit-là. Parmi eux, Mehdi, jeune étudiant de la classe aisée, fan inconditionnel de Zidane bien plus que militant acharné. Il avait pourtant suivi le vaste mouvement de cette population aspirant à plus de liberté, avant de se perdre dans les remous de ce gigantesque rendez-vous manqué avec l’Histoire.
Pendant les trois semaines qui suivront, le frère et la mère de Mehdi vont remuer ciel et terre pour retrouver le disparu. D’administration en administration, cherchant l’intercession de caciques du régime ou de fonctionnaires obtus, de tortionnaires sans états d’âme ou de ces petits chefs investis d’une parcelle de pouvoir, cette véritable enquête est menée avec âpreté et détermination par la famille, passant de l’optimisme à la résignation au gré de ses découvertes.
Au fil de multiples courts chapitres, le lecteur suit pas à pas cette terrible immersion dans les rouages de la machine répressive iranienne, cette lente descente aux enfers d’une mère à laquelle on enlève pièce par pièce le moindre lambeau d’espoir, et qui continuera de se battre pour connaitre malgré tout la vérité, si dure soit elle. En chemin, de nombreuses figures de rencontre, amicales comme hostiles, jettent un éclairage particulièrement édifiant pour le lecteur occidental sur la réalité et la complexité de la société Perse, bien loin des clichés rebattus par les médias. L’impression dominante est celle d’un peuple honorant son riche passé culturel tout en aspirant à plus de libertés et de modernité, mais ne sachant trop comment secouer le joug de la dictature, perdu qu’il est entre fatalisme et espérance, n’ayant comme recours que l’autodérision.
Les auteurs de Zahra’s Paradise - initialement publié sous forme de blog - un journaliste Iranien exilé aux USA et un dessinateur Arabe, ont choisi de garder l’anonymat pour préserver leur sécurité. Détail révélateur de la pugnacité avec laquelle le régime islamique cherche par tous les moyens à assurer sa survie, y compris en traquant les opposants à l’étranger. Quant aux opposants de l’intérieur, l’ouvrage en propose un portrait en creux, s’attachant plus à montrer l’arsenal répressif déployé par les nervis des ayatollahs, et la manière dont ceux-ci contrôlent les pensées d’une population mise sous l’étouffoir.
En cela, bien que le trait de Khalil soit relativement classique, quoiqu’élégant, la mise en page diablement inventive du dessinateur livre de remarquables compositions illustrant avec éclat la mainmise du pouvoir sur tous les secteurs de la société, et la sensation oppressante d’une chape totalitaire inamovible. Pesanteur d’ailleurs accentuée par la maquette resserrée de la collection « écritures », cadre un peu trop étroit pour apprécier absolument les pages les plus denses.
Et pourtant, malgré la dureté du sujet et la rigueur du traitement, le double intérêt de la quête du disparu, avec son lot de rebondissements et de tension psychologique, et du portrait de l’Iran contemporain, avec ce que cela induit de personnages attachants, de scènes empreintes d’émotion, d’humour, ou d’absurde, tout ceci concoure à faire de cette lecture un moment aussi plaisant qu’instructif. Sans manichéisme, une dénonciation très réaliste et documentée, à conseiller sans retenue à tous les amateurs d’investigations politico-journalistiques.
J'ai adoré ce cri de coeur d'une mère à la recherche de son fils qui est parti manifester au printemps 2009 dans les rues de Téhéran suite aux élections volées par Monsieur 66%. La première scène avec les petits chiots est absolument abominable et va donner le ton de cette histoire. Il ne fait pas bon vivre dans une république islamiste, c'est indéniable.
Zahra's Paradise est le premier roman graphique de l'auteur et c'est déjà une incontestable réussite. On repense bien entendu à Persepolis de Marjane Satrapi mais le trait est ici beaucoup plus agréable. Le fond reste le même à savoir atroce. Les auteurs ont voulu rester anonyme pour ne pas subir des violences en retour. Il est dommage que cet oeuvre n'est pas connue de publicité dans notre pays alors que c'est un best-seller à l'international.
On découvre un Iran en proie à la terreur, aux arrestations arbitraires, à la torture et aux exécutions sommaires et c'est encore pire qu'à l'époque du Shah. Visiblement, la révolution a trahi le peuple iranien. Cependant, il y a encore de l'espoir car c'est un grand peuple qui arrive à communiquer grâce à la technologie d'internet. Les idées circulent et les méfaits ne resteront pas impunis. Un jour viendra.
Nous avons une bd choc et sans doute l'une des meilleures sur l'Iran.